Les autorités tchétchènes ont décrété une mesure inattendue: la régulation des tempos musicaux afin que ceux-ci s’alignent sur les traditions rythmiques locales, criminalisant ainsi certains genres jugés trop occidentaux.
La tradition, y’a que ça de vrai !
Le dernier communiqué du ministère tchétchène de la Culture a surpris le monde entier. Rapporté par l’agence de presse officielle russe TASS, le ministre de la Culture, Musa Dadayev, a annoncé que les œuvres « musicales, vocales et chorégraphiques » seraient limitées à un tempo compris entre 80 et 116 battements par minute (BPM) afin de « s’harmoniser avec la mentalité et le sens du rythme tchétchènes ». « Emprunter la culture musicale à d’autres peuples est inadmissible », s’est indigné Dadayev. « Nous devons transmettre au peuple et aux futures générations de nos enfants l’héritage culturel du peuple tchétchène, y compris toutes les normes morales et éthiques qui régissent la vie des Tchétchènes », a ajouté le ministre qui prône un retour aux traditions.
Et l’hymne national ?
Les artistes disposent jusqu’au 1er juin pour réadapter toute musique ne respectant pas cette nouvelle règle dont les dispositions restent cependant floues. Une décision qui aurait été prise par le président Ramzan Kadyrov lui-même qui entend couper le sifflet aux standards européens dont les rythmes ont tendance à envahir cette République. Dans le viseur du gouvernement, diverses tendances musicales électroniques comme la house, la techno et le dubstep. Si divers titres connus pourraient échapper à cette nouvelle loi quelque peu ubuesque, l’hymne national russe serait ironiquement touché par cette réforme, jugé trop lent comme l’indique le média russe indépendant Meduza !
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La musique n’adoucit pas les mœurs
La Tchétchénie, située dans le Caucase du Nord, est majoritairement composée de musulmans. Nommé par le président russe Vladimir Poutine à qui il fournit des supplétifs militaires dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine, Ramzan Kadyrov dirige ce satellite de Moscou depuis 2007. Il a progressivement imposé un pouvoir qui ne laisse aucune place à la dissidence et a instauré sur l’ensemble de son despotat, sa propre vision « traditionnelle » de l’islam. Laquelle sert en réalité à couvrir un régime brutal qui viole les principes mêmes de la constitution russe. Enlèvements et arrestations arbitraires (ponctués par de mystérieux décès ou disparitions inexpliquées), ou multiplication d’emprisonnements des homosexuel(le)s… ont été signalés par des opposants en exil comme par des familles des victimes. Le régime n’a pas hésité à mettre en place une véritable purge au sein de sa population afin d’embastiller toute personne suspectée d’être homosexuelle. Malgré diverses tentatives d’indépendance au cours des deux siècles précédents, marquées par de violents conflits, la Tchétchénie a décidé de se maintenir au sein de la Fédération russe.
En réalité, pas une première mondiale
Pour autant, la Tchétchénie n’est pas la seule nation à avoir mis en place un tel style de décret. Que ce soit en Iran (où la musique occidentale est jugée comme source de corruption des esprits), au Cambodge sous le règne génocidaire des Khmers rouges (proscrite), en Afghanistan avec l’actuel régime talibans (qui affirme que la musique « provoque la corruption morale»), en Corée du Nord (qui estime que la K-Pop un « cancer vicieux»), la monarchie malaisienne (où les lois locales interdisent aux stations de radio de diffuser des chansons « offensantes pour le sentiment public » ou « violant le bon goût et la décence ») ou même au Royaume-Uni (l’article 63 de la loi sur la justice pénale de 1994 donne à la police le pouvoir d’interrompre des événements mettant en vedette de la musique « caractérisée par l’émission d’une succession de rythmes répétitifs »), plusieurs gouvernements n’ont pas hésité à contrôler ou censurer la musique selon leurs propres critères idéologiques ou religieux. Toujours au grand dam d’une jeunesse toujours avide de modernité et de liberté!
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