On peut se demander s’il n’y a pas une certaine malice, voire un côté joueur chez les Sages du Conseil constitutionnel. Ils viennent en effet d’attendre le 29 décembre pour retoquer le texte de loi sur la taxe carbone qui devait entrer en vigueur… le 1er janvier.
On admirera la vacherie calendaire et l’élégant sadisme temporel. À deux encablures du foie gras, du Champomy élyséen[1. De Gaulle aimait le Drappier, Sarkozy ne boit pas d’alcool. Le diable se niche dans les détails.] et des vœux présidentiels pour la France, ce moment sacré d’unité nationale, de communion patriotique, d’espoir et de mâles mouvements du menton, pan ! Un bourre-pif, et en pleine paix !
Les tontons flingueurs du palais Palais-Royal sous la direction de deux caïds du monde d’avant qui sont bien décidés à ce que ne soit pas dilapidé l’héritage du Grand, alias De Gaulle le Mexicain, ont à nouveau profité du manque de professionnalisme de ceux qui ont rédigé la loi pour l’atomiser façon puzzle.
C’est sans pitié qu’ils ont achevé le texte à coup de tatane et dans une joie manifeste qui transparait sous la froideur juridique, genre incandescence sous le givre. Le gang des affreux a ainsi souligné qu’« étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l’électricité, les émissions des 1018 sites industriels les plus polluants (raffineries, cimenteries, cokeries…) et les émissions du transport aérien » ou encore « celles du transport public routier de voyageurs ».
Ça, c’était la préparation d’artillerie. Ensuite les cent derniers mètres de la charge se font à la baïonnette : « Ces exemptions auraient conduit à ce que 93 % des émissions d’origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone ». Autrement dit, à part les pauvres avec chaudières au fuel et automobiles miraculées de leur cinquième contrôle technique, tout le monde y échappait, au point que le bouclier fiscal du début du quinquennat faisait presque figure de mesure sociale-démocrate.
La taxe carbone, c’était un peu la danseuse du président Sarkozy et de l’aimable ministre d’Etat Borloo. Avec la taxe carbone, rebaptisée en Novlangue certifiée « Contribution Carbone », on regardait un peu niaisement cette gracieuse jeune fille moderne, une jeune fille verte aurait dit notre cher Paul-Jean Toulet, faire ses entrechats à Copenhague et ses demi-pointes dans les prés d’Europe Ecologie. On en oubliait le climat fétide du pays qui ne l’était pas seulement à cause des rejets de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère mais aussi par les rejets de CP2 (dioxyde de Pandore) qui polluent l’atmosphère avec des blagues racistes, des débats menés en en préfectures et autres douceurs identitaires qui pour le coup n’ont rien de nationales, mais c’est une autre histoire.
L’air de rien, ce qui devait être le tournant écologique du quinquennat et donner au sarkozysme une peinture très gauche moderne vient de se transformer en Warterloo politique. Sans compter que malgré tout, la contribution carbone malgré son côté usine à gaz (ce qui est un comble) devait bon an mal an rapporter ses 4,1 milliards de recettes fiscales, avec encore une fois la moitié à la charge des ménages[2. A se demander si les flatulences des SDF n’auraient pas été, elles aussi, taxées.], ce qui n’est pas négligeable pour nos brillants gestionnaires du déficit actuellement au pouvoir.
Ceci étant dit, c’est une défaite politique et seulement politique.
On s’en remet. Plus ou moins bien mais on s’en remet. Cela va être un peu plus compliqué pour Europe Ecologie. On se souvient de la rapidité avec laquelle madame Cécile Duflot était accourue sur le perron de l’Elysée pour dire que « tout cela allait dans la bonne direction ». Les néo-verts d’Europe Ecologie, le social, ce n’est pas trop leur truc, enfin pas pour tout de suite. Ces salauds de pauvres allaient moins faire tourner leurs caisses pourries, c’est d’abord ce qui comptait, pour les jolis poumons de la bourgeoisie de moins en moins bohème des centres-villes muséifiés.
Quand on interrogeait cette jeune femme politique, celle qui veut transformer l’Ile de France en village, on sentait bien que ce qui lui faisait plaisir, au fond, c’est que ce problème, réel au demeurant, entre dans le discours politique dominant.
Que cela se fasse au détriment des ploucs, tant pis. Espérons que les militants de cette formation si glamour vont enfin voir, au travers des motifs du Conseil constitutionnel, la conclusion qui s’impose en ce qui concerne l’écologie.
Tant qu’il n’aura pas été clairement admis que l’écologie ne peut exister sans bouleverser les modes de production et disons-le sans rompre avec le capitalisme comme l’a signifié Chavez dans son discours de Copenhague [3. « Un spectre hante les rues de Copenhague, c’est le capitalisme. »] mais aussi, par exemple, Melenchon, ce beau combat pour une terre vivable se terminera comme la pantalonnade danoise ou le règlement de comptes qui vient d’avoir lieu à OK Palais Royal.
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