Tarnac, une ténébreuse affaire?


Tarnac, une ténébreuse affaire?

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Pour Balzac, la vraie puissance des personnages est inversement proportionnelle à leur présence dans le texte. C’est pour cela qu’il fut l’un des très grands peintres de la police secrète : « Ce qu’elle fait pour la justice, elle le fait aussi pour la politique. Mais en politique, elle est aussi cruelle, aussi partiale que l’Inquisition. » Il existe en France une police secrète, même si on lui donne un nom plus technocratique. Jusqu’à une date récente, on l’a appelée DCRI, résultat d’une fusion, en 2008, entre la DST et les RG. Elle vient de changer de nom sous l’impulsion de Manuel Valls et elle est devenue la DGSI, Direction générale de la sécurité intérieure. Comme très souvent, les changements de sigle ont un but simple : faire oublier les fiascos passés. Celui de l’affaire Merah, par exemple, ce qu’a indiqué à mi-mot Manuel Valls : « Ce décrochage relatif de la DCRI a affaibli la sanctuarisation du territoire national face au terrorisme. »  Il a, en plus,  rattaché cette structure directement à Matignon, ce qui fait ouvertement de cette police une police politique.[access capability= »lire_inedits »]

En créant les personnages de Corentin et de Peyrade, Balzac fait de ses policiers politiques les principaux agents d’exécution, parfois même les inspirateurs de tous les « coups pourris »,  non seulement dans Une ténébreuse affaire, mais aussi dans Les Chouans ou Splendeurs et Misères des courtisanes. Leurs techniques sont très modernes : désinformation, intoxication, enlèvement, retournement. Dans Une ténébreuse affaire, Corentin fait arrêter Simeuse et Michu, qu’il sait innocents d’un complot royaliste, en créant des preuves de toutes pièces. La manipulation qui consiste à gonfler  l’importance d’un ennemi intérieur pour renforcer le pouvoir en place a  suivi le même mécanisme au moment de l’« affaire de Tarnac », quand Julien Coupat et ses amis furent arrêtés et détenus pendant des mois au nom de la législation antiterroriste avant que la procédure ne s’effondre en de moins de deux ans.  Le policier ne s’appelait pas Corentin, mais Squarcini.

Il est question que la nouvelle structure, la DGSI, fasse appel à des contractuels, ou même externalise des missions. Si l’on en croit Corentin, ils n’auront pas de mal à recruter : « Un gouvernement doit entretenir tout au plus deux cents espions ; car, dans un pays comme la France, il y a dix millions d’honnêtes mouchards. » Même la rigueur budgétaire va y trouver son compte.[/access]

*Photo : BISSON/JDD/SIPA. 00606265_000001.

Juin 2014 #14

Article extrait du Magazine Causeur



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