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Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut

Tant qu'il y aura des films


Voir et revoir Pagnol, Visconti, Truffaut
© La Cinémathèque française

Comme chaque été, les films nouveaux et de qualité se font plutôt rares dans les salles jusqu’à la rentrée de septembre. Heureusement, le patrimoine est là… bien vivant ! Cet été dans nos salles, rétrospectives de 10 films de Marcel Pagnol, 4 de Luchino Visconti et 5 de François Truffaut…


Marcel, l’empereur

« Marcel Pagnol, 50 ans : rétrospective en dix films », en salles à partir du 24 juillet

Quoi de neuf ? Pagnol encore et toujours ! À partir du 24 juillet et partout en France, pas moins de dix chefs-d’œuvre seront à l’affiche. De Marius (1931, officiellement réalisé par Alexandre Korda) jusqu’à Topaze (1951), on pourra voir et revoir des films exceptionnels, superbement écrits et réalisés, portés par des distributions épatantes composées notamment de « cabots » de génie tels Raimu et Fernandel. Difficile vraiment de choisir dans ce florilège. Passons donc en revue ces dix pépites.

La fameuse trilogie marseillaise d’abord : Marius, Fanny, César. Lorsque Pagnol adapte sa pièce Marius pour la porter à l’écran, le cinéma parlant est encore balbutiant. Sur le tournage, un ingénieur du son américain ose dire que la voix de Raimu ne passe pas et que le son est inaudible. Pagnol laisse passer un ange plutôt que de lui passer un savon – ses colères sont homériques. Au-delà du pittoresque marseillais auquel le film a été rattaché, affiches de Dubout aidant, Marius, comme les deux autres volets qui suivront, vaut bien mieux que cela. Sous les rires, l’accent, les galéjades et même le jeu atroce d’Orane Demazis dans le rôle de Fanny, il se déroule autre chose : les liens d’un père avec son fils et l’émancipation plus ou moins réussie de ce dernier. Cette trilogie n’est rien de moins qu’un classique du cinéma français.

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Tourné durant la même période, en 1933, Jofroi reste trop méconnu. Ce cycle le remet en lumière pour notre plus grand bonheur. C’est la première fois que Pagnol adapte Giono au grand écran, en l’occurrence une nouvelle, « Jofroi de la Maussan », publiée l’année précédente dans Solitude de la pitié. Superbe drame paysan, le film est également l’annonce du néoréalisme quand il utilise décors naturels, son direct et caméra « légère » et mobile, bien avant la Nouvelle Vague.

Avec Le Schpountz, en 1938, Pagnol offre à Fernandel l’un de ses rôles les plus jubilatoires. L’acteur est parfait dans les habits d’un benêt intégral qui se fait berner par des artistes parisiens au mépris facile. Le tout est tiré d’une histoire vraie qui s’est déroulée sur le tournage d’un précédent film de Pagnol, le magnifique Angèle, également au programme cet été.

Réalisé en 1934, Angèle est une nouvelle adaptation de Giono, en l’occurrence le roman Un de Baumugnes. Fernandel y tient le premier rôle, celui de Saturnin, un valet de ferme, aux côtés des formidables Henri Poupon et Jean Servais. Une fois encore, la magie de Pagnol opère pour raconter ce drame rural sur fond de fille « perdue » et de père intraitable.

Dans La Femme du boulanger, chef-d’œuvre incontestable, Raimu incarne avec génie un cocu « dans le pétrin ». Pagnol réussit la prouesse de faire rire et sourire, sans jamais perdre de vue le tragique de la situation qu’il décrit. Dialogues ciselés, tirades devenues mythiques et distribution au niveau : rien ne manque.

Fanny, second volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. D.R

La Fille du puisatier, en raison même de son année de tournage (1940) a des allures de film sinon maudit, du moins bricolé, contraint de coller à l’actualité mouvementée de cette période. Mais l’essentiel est ailleurs, dans un quatuor d’acteurs étincelants qui portent le film de bout en bout : Raimu, Fernandel, Josette Day et Charpin.

Restent deux films et non des moindres : Regain (1934) et Topaze (1951). Le premier est l’adaptation du roman éponyme de Jean Giono. On y retrouve Fernandel, mais dans un rôle moins sympathique et débonnaire que d’habitude, celui d’un rémouleur accompagné d’une femme qu’il maltraite. Comme souvent chez Pagnol, le film vaut aussi pour ses savoureux seconds rôles qu’incarnent ici Henri Poupon, Charles Blavette, Milly Mathis, Robert Vattier et, dans un rôle de brigadier, le futur proscrit de la Libération, Robert Le Vigan. Quant à Topaze, même si on peut lui préférer la version de 1936, plus sombre, c’est bel et bien l’un des rôles majeurs de Fernandel.

Voir et revoir Pagnol demeure un enchantement !


Luchino, le prince

« Le XIXe de Visconti », en salles à partir du 31 juillet

©Les Acacias

Sous le titre « Le XIXe de Visconti », on peut cet été découvrir ou redécouvrir quatre immenses films du cinéaste italien : Le Guépard, Senso, Ludwig ou le Crépuscule des dieux et L’Innocent. Quatre œuvres « historiques » qui ressuscitent ce XIXe siècle qui fascinait Visconti, pétri de cette obsession proustienne du temps qui passe, du changement d’époque, du déclin de la noblesse. De 1954 (Senso) à 1978 (L’Innocent), soit l’ultime film du cinéaste, ce sont des fresques mélancoliques en forme d’opéras baroques aux distributions impressionnantes : Delon, Cardinale, Lancaster, Valli, Schneider, Berger, Antonelli et tant d’autres encore. Il faut notamment se replonger dans les trois heures du Guépard, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1963, et tournant dans la carrière du cinéaste qui, dès lors, sera moins sensible aux questions sociales.

©Les Acacias

François, le dandy

« Cinq héroïnes de François Truffaut (partie 1) », en salles à partir du 7 août

© Carlotta Films

Comme l’indique son titre, ce cycle est consacré aux muses du réalisateur de La Peau douce. Dans un premier temps, on pourra ainsi savourer trois films : Deux Anglaises et le Continent, La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! On ne saurait trop recommander le premier, « grand film malade » selon l’expression même de Truffaut, qui permet à Jean-Pierre Léaud de quitter l’encombrant personnage d’Antoine Doinel. Mais les deux autres donnent l’occasion de voir combien Truffaut a su tirer parti des multiples facettes du talent de Fanny Ardant. Alors que les deux films sont à l’opposé (un terrible drame romantique pour l’un, un polar joyeux pour l’autre) La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! laissent éclater l’incroyable séduction de l’actrice, son charme et son mystère. On reste sans voix devant ces deux personnages qu’incarne Fanny Ardant avec la même conviction, le même allant, la même grâce. Rarement Truffaut, le cinéaste qui aimait les femmes, aura trouvé une interprète en aussi parfaite adéquation avec son univers, ses fantasmes et ses obsessions.

Pour regarder les bandes-annonces de La femme d’à côté, et Deux Anglaises et le Continent :

Été 2024 - Causeur #125

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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