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Tant qu’il y aura des films


Tant qu’il y aura des films
Pixabay

Retrouver le chemin des salles de cinéma reste une nécessité si l’on veut bien considérer que le grand écran, c’est la bonne taille pour regarder un film. Deux nouveautés et une ressortie pour s’en persuader.


Au suivant  !

Un beau matin, de Mia Hansen-Løve

Sortie le 5 octobre

Affiche du film

Alors qu’est relancé le serpent de mer de l’euthanasie pour tous, les cinéastes français n’en finissent pas de nous tendre des miroirs plus ou moins talentueux sur la fin de vie. On avait laissé l’an passé François Ozon et son Tout s’est bien passé, avec un Dussollier cabotinant un peu trop dans le rôle du vieux caractériel au bord de la tombe, roi Lear tyrannisant ses deux filles compatissantes. Mais on est beaucoup plus convaincu par l’interprétation que fait de cette figure l’impeccable et rohmérien Pascal Greggory. Il est en effet à l’affiche du nouveau film écrit et réalisé par la réalisatrice française Mia Hansen-Løve qu’on connaissait jusque-là dans un cinéma plus corseté et moins empathique. Un beau matin s’inspire directement des derniers mois de la vie de son père qui perd peu à peu le contact avec la réalité. Cette proximité avec son sujet explique assurément que le film, contrairement aux précédents, baisse la garde d’une écriture trop sage et d’un univers balisé : le dernier, Bergman Island, se mettait carrément dans les traces du cinéaste suédois révéré. Ici, on oublie les références trop pesantes et la famille décrite par la réalisatrice s’avère absolument réjouissante, même dans un contexte forcément dramatique. Au premier rang donc, ce père, ancien prof adulé par ses étudiants, qui est atteint d’une maladie neurodégénérative dont il accepte assez bien les symptômes. Sa fille, jouée par Léa Seydoux (depuis France, le film cruel mais juste de Bruno Dumont, elle trace le sillon d’une actrice hors norme et capable de tout), souhaite assister son vieux père et vivre avec lui la cérémonie des adieux. Tout en lui cherchant une place dans un Ehpad pas trop cher et parisien. Ce qui, on le sait, revient à chercher la perle rare… Le film tire parfaitement son épingle du jeu de ce versant réaliste, presque documentaire, entre renoncement, accablement et soulagement. On trouve même des ferments de comédie dans cette course au trésor surréaliste. Et dans ce rôle d’orpailleuse, Seydoux fait des merveilles. À ses côtés, une mère absolument loufoque jouée et déjouée par Nicole Garcia plus que parfaite : elle y incarne une bobo parisienne reconvertie dans l’activisme forcené qui jouit de passer la nuit dans un commissariat de police. Portrait au vitriol d’une fofolle progressiste, ridicule précieuse de notre temps et qui, semble-t-il, existe bel et bien dans la réalité familiale de la réalisatrice. Ce parfum d’authenticité renforce le plaisir que l’on prend aux tribulations de cette révolutionnaire des beaux quartiers. C’est dans ce quotidien débridé que se noue une rencontre amoureuse entre le personnage de Seydoux et un « cosmo-chimiste explorateur » auquel Melvil Poupaud prête son indéniable charme rohmérien. Cet adjectif est de mise, au moins dans la façon dont Mia Hansen-Løve traite cette histoire dans l’histoire que n’aurait pas reniée Éric Rohmer. Un beau matin a souvent le bavardage brillant et l’érudition classique. Ce « conte de la fin de vie » se double donc d’un « conte amoureux », les deux dimensions se rencontrant assez harmonieusement. Les états d’âme des uns font écho aux coups de folie et de blues des autres. Le conte se fait chronique et inversement, sans perdre le spectateur en route.

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Mais, il faut y revenir, un acteur porte le film sur ses épaules de bout en bout, et c’est Pascal Greggory. On pouvait tout craindre de ce rôle à effets de pathos potentiels. On connaît la chanson de la représentation outrée et outrancière de la maladie, de la mort et de la sénilité. L’acteur fétiche et de Rohmer et de Chéreau, entre autres, joue une autre carte bien plus subtile et complexe. Il use d’un nuancier admirable pour représenter cet esprit qui s’en va, cette intelligence qui se met en sommeil, cette vieillesse qui retombe en enfance. On y croit sans avoir le sentiment d’être pris en otage par un protocole compassionnel imposé et indésirable. La cinéaste et son acteur multiplient les scènes d’une justesse absolue sans jamais provoquer de malaise voyeuriste chez le spectateur. Ce Beau matin là a la grâce.

Au scalpel

R.M.N., de Cristian Mungiu

Sortie le 19 octobre

NMobraFilms – Pathé

R.M.N., en roumain, c’est notre IRM à nous. Le nouveau film du très remarquable cinéaste roumain Cristian Mungiu s’impose d’entrée de jeu comme une étude microscopique de la société roumaine à partir d’un petit village des Carpates, à la frontière hongroise, pris sous la double dictature bureaucratique de la mondialisation et des directives européennes. Sans compter l’arrivée de migrants qui brouille les cartes et les repères. Mungiu a l’extrême intelligence de ne condamner personne a priori et surtout pas les tentations de repli sur soi et de protection. Il s’interroge sur la façon dont les mécanismes économiques en cours entraînent des comportements humains parfois erratiques, mais jamais infondés. Une incroyable scène de conseil municipal en forme d’exutoire collectif, longue de vingt minutes, renforce cette impression d’analyse équilibrée. Avec un tel film, le cinéma politique retrouve ses lettres de noblesse. Et c’est d’ailleurs certainement la raison (idiote) pour laquelle il est reparti bredouille du dernier Festival de Cannes présidé par un Vincent Lindon qui décidément passe à côté de ce en quoi il fait profession de croire.

À l’os

Le Jouet de Francis Veber

Sortie le  19 octobre

Affiche du film

C’est assurément le film le plus caustique, le plus drôle et le plus radical de son auteur-réalisateur, Francis Veber. Sorti en 1976, il est bien plus mordant que son languissant Dîner de cons ou ses poussifs tandems avec Depardieu et Pierre Richard. Ce dernier partage l’affiche de ce film hors norme, Le Jouet, avec Michel Bouquet, glaçant, glacé et glacial. Et au milieu de ce duo, un enfant, le fils d’un grand patron (c’est Bouquet) qui veut comme cadeau, comme jouet, l’un des employés paternels (et c’est Richard). Abyssale situation de départ. De ce démarrage iconoclaste et incorrect, Veber fait un film qui tient la note jusqu’au bout. Soit un véritable conte cruel qui pourrait figurer dans une comédie italienne des années 1970 où il serait question de monstres quotidiens. Le casting est à la hauteur du propos. Depuis 1976, on cherche un alcool fort de ce type au cinéma. La plus mauvaise idée serait d’en faire un remake forcément pâle et à l’aune des lâchetés sociales actuelles. C’est hélas chose faite et le film sort bientôt. Il est absolument urgent de le bouder et d’aller voir ou revoir l’original, le seul, l’unique, sur grand écran.

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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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