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Tant qu’il y aura des films

"Classe tous risques" et "L’Arme à gauche", de Claude Sautet / "Daaaaaalí!" de Quentin Dupieux / "Madame de Sévigné", d’Isabelle Brocard


Tant qu’il y aura des films
© La Filmothèque du Quartier Latin

Côté cinéma, février s’annonce comme un mois frileux, encombré notamment de vrais faux biopics français. Quoi de vraiment neuf alors? Les deux premiers polars de Claude Sautet, deux bijoux qui ressortent en version restaurée.


Noir, c’est noir

Classe tous risques et L’Arme à gauche, de Claude Sautet
Sortie le 28 février

Si on excepte un court-métrage, Nous n’irons plus au bois, et un long métrage à la paternité discutée, Bonjour Sourire, la carrière de cinéaste de Claude Sautet a véritablement commencé avec deux polars très noirs, Classe tous risques en 1960 et, cinq ans plus tard, L’Arme à gauche. Il faudra attendre cinq années de plus pour voir naître Les Choses de la vie et l’affirmation de l’importance du cinéma de Sautet dans le paysage. Même si l’étiquette réductrice et parfaitement injuste de chroniqueur de la bourgeoisie pompidolienne lui collera beaucoup trop longtemps à la peau. On comprend aujourd’hui que les films de Sautet vont bien au-delà de cette caricature étriquée.

En parallèle de la réalisation, il a d’ailleurs eu une riche carrière de scénariste qui lui a valu dans le milieu le surnom de « ressemeleur de scénario ». C’est ainsi que Sautet a notamment travaillé avec Georges Franju, Jacques Deray, Jean-Paul Le Chanois, Jean-Paul Rappeneau, Alain Cavalier, Philippe de Broca… Sans oublier les nombreux films dont il a annoté les scénarios sans être crédité à leur générique pour autant. Si ses deux premiers films en tant que réalisateur tranchent quelque peu avec les suivants, ils s’avèrent être deux exercices de style parfaits pour entrer dans la carrière. Classe tous risques et L’Arme à gauche ont d’abord en commun d’être des adaptations de polars. Le premier s’inspire d’un roman de l’ex-malfrat et taulard José Giovanni reconverti en écrivain. Il participa d’ailleurs à l’écriture du scénario aux côtés de Claude Sautet et de Pascal Jardin, autre grande pointure littéraire et scénaristique du paysage cinématographique de l’époque. Ensemble, ils portent à l’écran l’histoire (inspirée de faits réels) d’Abel Danos (dit « Le Mammouth », dans la vraie vie), bon père de famille mais activement traqué par la police sans que l’on en sache les raisons. En réalité, mais il semble que, contrairement à Giovanni, Sautet l’ignorait alors, Danos fut l’un des bourreaux de la Gestapo française durant l’Occupation, au sein de la Carlingue, le tristement célèbre gang de Bonny et Lafont. C’est Ventura qui incarne Danos, tandis qu’Éric Stark, son unique soutien dans le film, est joué par un certain Jean-Paul Belmondo, à l’époque parfait inconnu que Sautet avait repéré dans Les Tricheurs de Marcel Carné et qu’il dut imposer à la production, avec l’aide active de Ventura.

On retrouve ce dernier au casting deL’Arme à gauche, cette fois dans le rôle de Jacques Cournot, un honnête navigateur des Caraïbes qui découvre un trafic d’armes. À nouveau, Sautet adapte un polar, signé en l’occurrence par Charles Williams, auteur américain, habitué de la « Série noire » de Gallimard, dont les livres ont souvent été portés à l’écran. D’ailleurs, Sautet avait déjà participé à l’écriture d’une autre adaptation d’un roman de Williams : Peau de banane, de Marcel Ophüls.

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Toutefois, les deux films divergent sur bien des points. En premier lieu, leur carrière commerciale fut à l’opposé : plein succès pour Classe tous risques, échec cuisant pour L’Arme à gauche, dont le tournage fut déjà un véritable désastre, entre la destruction des décors lors d’une tempête, des tensions au sein de l’équipe technique et, in fine, un dépassement de budget conséquent. Si le premier trouve pleinement sa place dans le paysage, pourtant déjà très encombré, du polar à la française, le second, malgré d’indéniables qualités et l’interprétation évidemment impeccablede Ventura, peine à trouver ses marques et son genre véritable entre huis clos maritime et film d’aventures.

Restent deux œuvres absolument singulières auxquelles Sautet a su imprimer sa rigueur et sa précision. Directeur d’acteurs hors pair comme toute sa filmographie le démontre, il est aussi, dès ses premiers films, un raconteur d’histoires et de destins, attentif comme personne à la caractérisation de ses personnages, principaux et secondaires. Il faut donc voir ou revoir ces deux films sur grand écran.


Dali, c’est raté

Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux
Sortie le 7 février

La tendance de ce début d’année, c’est biopics tous azimuts : de Florence Arthaud à Pierre Bonnard, en passant par Priscilla Presley et Bob Marley, personne ne semble pouvoir échapper à cette mode généralement désastreuse. Le Daaaaaalí !de Quentin Dupieux n’échappe hélas pas à la règle. Certes, le cinéaste se moque (très gentiment) du personnage médiatique composé par l’artiste, mais l’ensemble reste à ce premier degré. Seule originalité (toute relative), le peintre espagnol est incarné à l’écran par plusieurs acteurs successifs, entre autres Jonathan Cohen, Édouard Baer et Gilles Lellouche : plusieurs cabots sont nécessaires pour interpréter le cabot Dalí. On est en droit de trouver l’argument un peu court. Le film l’est aussi (78 minutes), ce qui s’avère être sa principale qualité.

Jonathan Cohen © France 3 Cinéma

Sévigné, c’est loupé

Madame de Sévigné, d’Isabelle Brocard
Sortie le 28 février

Autre illustration navrante de la mode actuelle des biopics, ce Madame de Sévigné d’Isabelle Brocard. On se demande bien d’abord ce qui peut pousser une réalisatrice française et son producteur à imaginer cette reconstitution tout droit sortie du musée Grévin avec un passage par le château de Grignan. La réponse ne se fait pas attendre et ce, dès les premières images du film : il s’agit tout simplement de faire de ladite marquise une pionnière du féminisme hexagonal ! Caricature et révisionnisme sont dès lors au programme

© Julien Pranié
Février 2024 – Causeur #120

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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