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Tamoul, ta gueule !


Tamoul, ta gueule !

Excusez-moi d’insister, mais je n’arrive toujours pas à comprendre l’indifférence quasi-générale, qui entoure les massacres de populations civiles tamoules au Sri Lanka.

Il se trouve que j’ai pas mal de copains tamouls, ils bossent pratiquement tous dans les cuisines de restaurant, petits et grands. Je les vois même plus souvent qu’avant depuis que, moi aussi, je dois fumer, comme le personnel, ma cigarette sur le trottoir. Et depuis deux semaines, nos bavardages en anglais pataud ont cessé d’être badins. « Why, Mister Marc ? Pourquoi est-ce que les Français s’en fichent ? »

En règle générale, je fais l’abruti, je hausse les épaules, je fais le mec qui lui aussi ne comprend pas. Mes amis tamouls, ils aiment bien la France, ils se sentent aimés ici, je ne voudrais pas les décevoir. Pour être hindouistes (des hindouistes assez rigolos, j’en connais un qui va chaque année en pèlerinage à Lourdes), ils n’en sont pas moins cégétistes et, en règle générale, marxistes-léninistes. Là encore, il semble s’agir d’un communisme assez syncrétique, je ne me suis jamais aventuré dans ses méandres théoriques. Une chose est sûre, ils soutiennent tous en bloc les Tigres, et sans barguigner. Et ils ont été assez vexés quand le LTTE a été classé dans la liste des mouvements terroristes par l’Union européenne. Des terroristes, mes cuistots, mes plongeurs, mes éplucheurs de carottes ? Si c’est Bruxelles qui le dit… Mais bon, ça ne les dérangeait pas plus que ça. Du moment qu’on les laissait bosser dur, envoyer des mandats à leurs femmes et boire leur bière ou leur scotch au goulot dans les squares de La Chapelle ou sur les trottoirs du haut du Faubourg Saint-Denis – le Tamoul aime picoler en plein air, j’imagine que les débits de boisson lui rappellent trop le boulot.

Mais là, mes copains ne comprennent plus. Et il y a un truc que spécialement ils ne comprennent plus. Eux qui, quand le premier mai n’était pas revenu à la mode, ont constitué, des années durant, avec les Kurdes et les Turcs du Sentier, le gros des manifs parisiennes de la fête du Travail, ils comprennent mal que pas une banderole « de souche » n’ait évoqué leur drame. Les seules pancartes qui réclamaient l’arrêt des massacres à Jaffna, c’étaient celles qu’ils portaient eux-mêmes, dans une indifférence assez générale, d’ailleurs. Why, Mister Marc, why ?

Alors oui, j’aurais pu la jouer faux-cul, accuser l’impérialisme, et les médias aux bottes, la désinformation, et tatati et tatata. Mais je n’avais pas le cœur à ça. J’aurais pu dire que Ceylan, c’est loin. Mais ils savent comme moi que le Tibet, c’est encore plus loin…

Le pire, c’est qu’ils sentent bien que cette indifférence n’est pas liée à un black-out absolu. Le pire, c’est que le Sri Lanka, on en parle, mais si peu, et en des termes si neutres, quasi anglo-saxons. Ma télé du soir et mon Libé du matin ne m’avaient pas habitué à tant de retenue en matière de droits de l’homme.

Certes, on y a envoyé Kouchner faire le clown. Mais après qu’il a été proprement humilié sur place par le chef de l’Etat sri-lankais, qui lui a dit d’aller jouer aux billes ailleurs, rien, pas de réaction indignée de l’Elysée, pas d’édito pincé du Monde, que dalle. Quant aux massacres proprement dits, c’est pire : pas de « une » des journaux nationaux, pas d’appel à manifester des partis de gauche, pas de cris du cœur des grandes consciences de l’humanisme. Pas de pétition contre le « génocide ». Alors, moi aussi, je vais la cracher, ma Valda : le vrai drame de Jaffna, c’est de ne pas être Gaza. Et je n’ai pas le cœur de dire à mes copains, qu’ils sont des victimes, certes, mais pas assez glamour pour Ken Loach et Stéphane Hessel.

Cette semaine, une épidémie de méningite foudroyante a tué deux mille personnes au Nigéria et dans les pays adjacents. Le saviez-vous ? Ben non ! Ces idiots n’ont même pas eu la bonne idée de crever du H1N1…



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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