Taïwan: Tsai YingWen présidente


Taïwan: Tsai YingWen présidente

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Le Dr Tsai YingWen 蔡英文, dirigeante du DPP (Parti démocratique progressiste 民進黨), a été élue présidente de la République avec 56,12 % des suffrages exprimés. Le candidat KMT (KuoMinTang 國民黨), Eric Chu (Chu LiLun 朱立倫) est battu avec  31,04 %. Quant au troisième candidat, James Soong (Soong ChuYu 宋楚瑜) , un ancien poids lourd du KMT, dissident désormais, il a obtenu 12,84 % des voix. Même en additionnant les voix de Soong et de Chu (43,88 %), i.e. le camp des «bleus» la couleur historique du parti KMT, la victoire est incontestable pour (Mme )Tsai, le leader des «verts» («vert» ne veut pas dire «écolo» à Taiwan mais «DPP et indépendantiste»).

Le scrutin pour les 116 sièges de députés (73 élus dans une circonscription, les 43 autres à la proportionnelle) donne (50 + 19) 69 sièges au DPP, une très confortable majorité.

Selon la constitution taïwanaise, Tsai YingWen  prendra ses fonctions dans quatre mois, en mai 2016. Que révèlent ces chiffres ?

Ce n’est pas tant le DPP qui a gagné que le KMT qui a perdu, en particulier l’actuel président de la République Ma YingJeou 馬英九. Déconsidéré après l’échec de son parti au récentes élections municipales, il avait dû abandonner la présidence du parti KMT, au profit de Eric Chu (qui vient de démissionner à son tour après son échec ce samedi).

La poignée de main, à Singapour, le 7 novembre 2015, de Ma YingJeou avec le Président de la République populaire de Chine Xi JinPing 習近平 ne lui vaudra pas le Prix Nobel de la Paix, que certains lui souhaitaient pour sa politique de développement intensif des relations avec la Chine communiste, une vingtaine d’accords commerciaux et administratifs.

Cette victoire de Tsai YingWen est d’autant plus intéressante que l’image du DPP en tant que parti n’était pas décisive, et même médiocre, après la calamiteuse présidence DPP de Chen ShuiBian 陳水扁 (condamné à de lourdes peine de prison pour corruption). Chen avait été élu en 2000 avec 39,3 % des voix, réélu en 2004 avec 50,11%.

Ma YingJeou avait commencé sa carrière à son retour de Harvard, en 1983, comme secrétaire personnel du Président ChiangChingKuo 蔣經國. Il préconisait depuis sa ré-élection à la présidence de la République, en 2008, une politique accélérée de rapprochement avec la Chine (maoïste, encore officiellement maoïste  ! Quarante années après la mort de l’auteur de la grande famine de 1960 qui a fait 40 M de morts …).

Ma  avait été maire de Taipei, la capitale, puis élu président en 2008 avec 58,45% des voix, puis en 2012 avec 51,6%. Je cite ces chiffres pour souligner que son argumentation avait initialement été acceptée par les électeurs, avant de s’effondrer totalement depuis quatre ans.

Le message de Ma était simple : l’unification est souhaitable et possible entre les ennemis historiques de la guerre civile chinoise, les nationalistes du KMT et les communistes chinois du PCC ; et que les Taïwanais dans leur ensemble avaient intérêt à suivre ce mouvement.

Ma promettait une sécurité accrue, une meilleure prospérité économique en récompense de la manière dont les Taïwanais avaient été les premiers et plus importants investisseurs pour faire démarrer puis s’épanouir l’économie chinoise continentale sous Deng XiaoPing puis ses successeurs : 40% du commerce extérieur de Taïwan était avec la Chine et 40% des exportations chinoises venaient des usines taïwanaises en Chine ; en particulier Foxcon, avec son million d’ouvriers fabricant l’essentiel des Iphones et des Macs pour le monde entier.

Mais la prospérité annoncée n’a pas été au rendez-vous  : même si des capitalistes taïwanais ont fait du gras en Chine, les Taïwanais ordinaires ont vu leur revenu baisser, au mieux stagner.

La sécurité n’a pas été au rendez-vous, non plus : le nombre des missiles maoïstes pointés sur l’île a augmenté.

Et, surtout, l’arrogance et la condescendance des communistes chinois à l’égard de la démocratie taïwanaise n’a pas baissé d’un cran :

Un incident révélateur, abject, a sans doute – à lui seul – coûté 5% de voix au KMT. La jeune chanteuse Chou TzuYu 周子瑜 (16 ans) taïwanaise dans un groupe coréen a été contrainte à une autocritique publique télévisée, après interdiction de se produire en Chine, pour défaut dans ses positions à propos de l’unification !

Cette vidéo a soulevé le cœur de tous les Taïwanais, déjà plus que sceptiques sur la manière dont Pékin traite HongKong.

En ce qui concerne les relations à terme entre les deux rives du Détroit de Formose, deux «plaisanteries» (citées dans revue Monde chinois, n°12&13, en 2008) restent les meilleurs résumés pour faire comprendre aux étrangers le cœur  du problème :

À un journaliste étranger qui lui demandait «Mais le jour où la Chine sera devenue démocratique, accepteriez-vous de bon cœur que Formose (Taïwan) devienne chinoise ?», un Taïwanais (d’origine continentale) répondait : «Si la Chine devenait démocratique, pourquoi aurait-elle besoin d’absorber Taïwan ?».

«Ce que je n’aime pas chez les communistes chinois, c’est qu’ils me rappellent le KMT». Echo de la plaisanterie ashkénaze bien connue «Ce que je n’aime pas chez les Arabes, c’est qu’ils me rappellent les Sépharades». Mais, dans le cas des Juifs,  c’est une plaisanterie (ashkenaze) qui ne met pas en cause l’unité fondamentale des Israéliens. Dans le cas des Taiwanais, c’est plus un jeu de mots grinçant qu’une plaisanterie, sur la complaisance fanatique pro-Pékin, récente, du KMT et de Ma YingJeou  à l’égard des post-maoïstes chinois.

Il faut se souvenir que les Taïwanais ont beaucoup souffert de la «terreur blanche»  du KMT après les «massacres de 1947». Je donne à ce sujet les couvertures de deux livres, disponibles en français, indispensables pour comprendre l’histoire de Formose au XXe siècle.

Les Taïwanais ont le sentiment d’avoir mérité la paisible démocratie à l’occidentale dont ils bénéficient désormais ; et qu’il y a peu de raisons de l’abandonner au profit d’un régime communiste, corrompu, sans élection, sauvage et violent où, il y a peu encore, des femmes enceintes de sept mois étaient forcées à avorter et où les massacres de la révo.cul. ont fait plus de trois millions de morts, après les quarante millions de morts de faim du «grand bond avant» maoïste, un pays où il n’y a pas la moindre liberté de presse.

Il existe une réelle douceur de vivre à Taïwan, des rapports sociaux apaisés, une police non-violente désormais. Le métro de Taipei est d’une propreté exemplaire, les enfants n’y ont pas peur, les sièges pour personnes âgée bien respectés, et à Taïwan il est inimaginable de dérober un téléphone portable.  Si ce n’était l’opposition stridente  d’un petit nombre de catholiques, le mariage homosexuel serait déjà légal. La liberté de presse et d’édition y est totale. Il existe près de dix mille «convenience stores» ouvertes 24h sur 24. À ma connaissance, aucune n’a jamais été agressée pour vider le tiroir-caisse.

Les journalistes étrangers redécouvrent Taïwan à l’occasion des élections, une fois tous les quatre ans. C’est un peu dommage. Même les correspondants de presse français basés en Chine ne visitent pas souvent l’île, alors qu’elle est particulièrement accueillante pour les voyageurs et les étrangers qui veulent s’y installer.

Reste à savoir ce que Tsai YingWen va désormais accomplir avec la majorité dont elle dispose. Le DPP n’a pas les idées claires sur le nucléaire et est assez démagogue à ce propos. Globalement, le DPP n’accorde, sur le plan international, d’importance qu’aux Etats-Unis et au Japon, très peu à l’Europe.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21839997_000008.



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est une photographe taïwanaise installée en France.

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