On peut critiquer la gauche en tout et sur tout. C’est le rôle que Causeur s’est attribué, non sans succès, depuis quelques années déjà. On peut considérer, dans un fatras intellectuel sans pareil, que la social-démocratie est à la fois horriblement conservatrice (la question sociale) et ridiculement moderniste (les dossiers sociétaux). Causeur, parmi d’autres, nous a tambouriné l’esprit avec cette double accusation.
Sur les fautes et les tares de la gauche, je pourrais en remettre et en rajouter, notamment sur cette incapacité chronique à assumer son rôle historique envers ce qu’en langage marxiste, on a jadis baptisé les « classes populaires ». Mais inutile de piquer le fonds de commerce de Causeur. Nous ne serons jamais meilleurs, jamais plus efficaces dans ce genre et cette fonction qu’Élisabeth Lévy et son équipe.[access capability= »lire_inedits »] Chacun son rôle, chacun sa place… Non, soyez sans crainte, je plaisante. À peine…
Plus sérieusement, j’aurais attendu et espéré de Causeur qu’il analyse en profondeur et qu’il dénonce, oui, qu’il dénonce la radicalisation politique et idéologique de la droite. Car cette radicalisation est fauteuse de guerre et de haine civile. Je ne comprends pas pourquoi un républicain de droite, un démocrate de droite ne serait pas en mesure de l’énoncer à haute et intelligible voix. D’une voix d’autant plus forte qu’il est, précisément, de droite.
J’aurais envie de dire à mes confrères de Causeur qu’ils auraient dû rompre avec Nicolas Sarkozy dès lors qu’il avait inventé ce « monstre » conceptuel liant dans un même ministère le délitement de notre identité nationale à l’immigration ; qu’ils ne pouvaient pas accepter que, sur le même sujet d’importance, l’identité nationale, l’UMP utilise le thème pour jouer un coup politique mettant en scène (pour mieux les dénoncer) l’islam et les musulmans ; qu’ils auraient dû hurler de rage, tout comme nous à Marianne, quand, à Grenoble, à l’été 2010, le président de la République s’est perdu dans un discours à tonalité maurrassienne. Or, votre réaction a été étonnamment mesurée. Un pour, un contre, que chacun se fasse son idée. De ce quasi-silence, de cette mesure, oui, je vous en veux.
Car, évidemment, dans ce débat essentiel qui traverse la société française − quelle droite pour quelle République ? −, vous avez joué votre rôle, un rôle d’ailleurs non négligeable ; mais, à mon sens, un rôle négatif. Et puisque je prends la politique (très) au sérieux, j’attendais de vous, que je lis avec attention et minutie, que vous en appeliez à une droite qui unit au lieu de fracturer, à une droite qui réunisse au lieu de fragmenter sans discontinuer la communauté française, à une droite authentiquement républicaine. La droite sarkozyste ne l’était plus, authentiquement républicaine. Vous n’avez cessé de le nier. Pourquoi ? En raison de quel aveuglement idéologique ?
Si je m’autorise à revenir sur l’épisode du sarkozysme, ce n’est certes pas que je radote. Pas encore… C’est que la fatwa édictée par l’ex-Président, interdisant dans son camp tout bilan du sarkozysme, a laissé le terrain libre à la droite de la droite, à une droite de guerre civile, à une droite sans retenue, à une droite no limit, à une droite qui n’hésite plus à utiliser la haine envers la gauche et ses chefs comme comportement et symboliques politiques.
Ce n’est pas une blague : envers la droite, j’en appelle Causeur et Élisabeth Lévy à la modération, à l’esprit de responsabilité. Dès lors, nous pourrons cogner ensemble sur la… gauche.[/access]
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