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Syrie : Pourquoi Trump veut calmer Erdogan

alors que Daech menace de se reconstituer...


Syrie : Pourquoi Trump veut calmer Erdogan
Auteurs : Susan Walsh/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP22352632_000008.

 


L’annonce, faite le 6 octobre par le Département d’État américain, de la cession tacite d’une zone d’occupation turque le long de la frontière nord de la Syrie n’est pas une surprise. Elle confirme le souhait énoncé par Donald Trump, dès décembre 2018, de ne pas embourber son armée dans une nouvelle guerre contre le terrorisme au Moyen-Orient.


Le Pentagone a traîné des pieds mais il semble que le retrait des troupes américaines soit désormais effectif, au moins dans sa partie nord, face à la Turquie. Ce retrait est perçu comme une trahison américaine des forces YPG kurdes qui ont défait l’État islamique jusqu’à la victoire finale de Raqqa avec l’aide de la coalition occidentale. Il suscite bien des interrogations.

Retour à la realpolitik

Si Donald Trump est si pressé de retirer ses troupes de Syrie, c’est aussi pour calmer son allié turc qui menace continuellement de se rapprocher de Moscou et de Téhéran pour régler la question syrienne. Est-il nécessaire de rappeler la position stratégique de la Turquie depuis les débuts de la guerre froide et la compétition globale entre les États-Unis et la Russie? Aujourd’hui la position turque s’est encore valorisée à mesure que la Chine étend son empire commercial vers l’ouest. Pour des questions tactiques, économie des forces, mais aussi stratégiques, ménager un de ses principaux alliés dans la région, Donald Trump doit lâcher du lest. Après une petite décennie de soutien à la rébellion syrienne, c’est un brusque retour à la realpolitik.

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Il est évident que les Kurdes vont se battre, dans un premier temps, contre l’armée turque mais l’issue ne fait aucun doute. Comme à Afrine en janvier 2018, ils seront obligés de se replier vers le sud avec leur flot de réfugiés. Certains redoutent que les Kurdes relâchent en guise de représailles leurs camps de prisonniers, dont de nombreux djihadistes européens, mais cela reste une carte de négociation dans leur jeu. Il n’est pas dit qu’ils la jouent immédiatement. Il est par ailleurs certain que les Kurdes syriens ne la donneront pas à la Turquie, laquelle en profite pour élargir son pré carré.

Les Kurdes et l’armée syrienne

La logique voudrait pourtant que cette zone revienne sous le contrôle de l’armée syrienne, déjà présente au nord de Hassaké et au sud de Qamishli, deux villes importantes du Kurdistan syrien. Elle serait tout à fait à même de faire le tampon entre les Kurdes et les Turcs. Ce fut le cas avant la guerre civile syrienne bien évidemment mais ce fut aussi observé au nord d’Alep, dans la poche d’Afrine : les kurdes syriens ont accepté le renfort de l’armée syrienne pour ne pas laisser toute la zone aux Turcs. Ce scénario pourrait se renouveler dans le reste du Rojava (Kurdistan syrien). Cela dit la situation tactique est un peu différente. Tout d’abord, les Kurdes Syriens ne sont pas isolés dans une poche comme à Afrine; ils sont au contraire au cœur de leur territoire. Inversement, l’armée syrienne est isolée depuis longtemps dans ces confins du Kurdistan syrien (même si elle dispose d’une base aérienne militaire pour tenir). Elle ne l’était pas à Afrine.

L’armée syrienne va-t-elle interrompre son offensive dans la province d’Idlib pour porter son effort sur la rive gauche de l’Euphrate où ses positions restent fragiles face à un envahisseur turc particulièrement fort ? La coalition occidentale permettra-t-elle que l’armée syrienne franchisse l’Euphrate pour contrer l’offensive turque ? C’est peu probable. Une telle tentative dans la région de Der Ez-Zor (où se trouvent de nombreux puits de pétrole) s’était terminée début 2018 par un raid aérien dévastateur pour les troupes de Bachar Al-Assad. Et pourtant l’État islamique menace depuis quelque temps de se reconstituer dans cette région orientale de la Syrie où la population arabe supporte mal l’occupation kurde. Pour lutter contre le djihadisme syrien, il apparaît donc nécessaire de laisser Damas reprendre le contrôle de son territoire le plus rapidement possible, si possible avec l’aide des Kurdes syriens.

Lire la version initiale de cet article sur le site de la Fondation du Pont-Neuf.

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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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