Alors que notre attention était accaparée, à juste titre, par la bataille de Baba Amr, un évènement tout aussi important pour l’avenir de l’insurrection syrienne s’est produit : le taux de change vient de dépasser le seuil symbolique de 100 livres syriennes contre un dollar américain. Depuis un an, la monnaie syrienne a perdu plus de la moitié de sa valeur (fin 2010, un dollar s’échangeait contre 47 livres), ce qui signifie pour des millions de Syriens l’effondrement de leur pouvoir d’achat et leur épargne.
Pour l’économie c’est une catastrophe car après plusieurs années de croissance, d’inflation modérée et de stabilité monétaire, les transactions commerciales courantes ne sont pas indexées. L’effondrement de la livre syrienne entrainera donc nécessairement la faillite de ceux dont les créances sont en devise étrangère et les recettes en monnaie locale.
Quant à la banque centrale, son président Adib Mayaleh s’est engagé à soutenir la livre syrienne mais à l’évidence cette promesse n’a pas été tenue, très probablement parce que le régime, qui n’a pas assez de réserves, n’a pas l’intention de dilapider son trésor de guerre, nécessaire pour pouvoir payer et assurer la fidélité de millions de militaires, agents de sécurité, miliciens et autre fonctionnaires dont le soutien est essentiel.
Ainsi, même si l’opposition syrienne n’est pas encore arrivée à créer une souveraineté concurrente comme c’était le cas de la CNT dans l’est de la Libye, elle est en train de priver le régime d’Assad de l’un des attributs majeurs d’un gouvernement : sa monnaie. En même temps, la présence étrangère, notamment turque, américaine et européenne, est de plus en plus marquée avec, dans les poches des Syriens bien plus de portraits de Washington, Franklin, Lincoln ou Atatürk que de billets à l’effigie de Hafez al Asad…
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