Disons-le d’emblée : armer les rebelles syriens est la moins mauvaise des mauvaises solutions. Dans cette guerre civile dont le nombre de victimes se rapproche dangereusement des 100 000 morts, tout ou presque a déjà été tenté. Au début de la contestation, Bachar Al-Assad jouissait d’un crédit considérable auprès des dirigeants occidentaux – y compris français – qui, rappelons-le, n’avaient pas accueilli les premiers signes du « Printemps arabe » avec grand enthousiasme. Mais son entêtement à considérer la contestation comme un complot et son acharnement à régler l’affaire par la force ont transformé en guerre civile un mouvement initialement pacifique.[access capability= »lire_inedits »] La France a tiré les conclusions qui s’imposaient en décidant de soutenir l’opposition. Ce qui impliquait de la créer. Malgré sa légitimité chancelante, ce « gouvernement syrien en exil » est la meilleure promesse d’avenir stable et pacifié disponible sur le marché. Le choix de la France était une pente glissante. Du soutien humanitaire et financier à l’appui militaire, il y a un pas. Il avait été franchi bien avant que la France et la Grande-Bretagne annoncent leur intention de livrer des armes aux « bons » rebelles (l’ALS). Avec ou sans l’Europe.
Cette décision fait voler en éclats le consensus international qui prévalait jusque-là : personne n’armait personne – officiellement, en tout cas.
Soutiens indéfectibles du régime Assad, la Russie et la Chine ont accepté que l’ONU vote un embargo à condition qu’il soit général. Au demeurant, les Occidentaux n’étaient pas très pressés d’envoyer dans le chaos des armes susceptibles de finir dans de mauvaises mains, en particulier celles de la fraction islamiste radicale de la rébellion. En Afghanistan, en Irak et en Libye, ils ont pu observer à loisir les conséquences désastreuses pour la stabilité locale et régionale de la circulation des armes livrées en abondance.
Seulement, plus le temps passe, plus il est clair que cette politique pénalise l’Armée syrienne libre sans affaiblir significativement le régime ou les rebelles islamistes, dont les amis sont moins scrupuleux. Avec l’enlisement de la situation, la crise déborde de plus en plus des frontières syriennes : un million de réfugiés, dont des centaines de milliers au Liban et en Jordanie. Il fallait choisir entre plusieurs menaces. À Paris et à Londres, on considère désormais que le départ d’Assad est une urgence. Quitte à devoir gérer des lendemains difficiles.[/access]
*Photo : FreedomHouse.
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