Les grands regroupements géopolitiques qui s’esquissent en Orient sont instables ainsi qu’on le découvre depuis 24 heures en Syrie.
Arabie Saoudite-Israël-Etats-Unis vs. Iran-Turquie-Russie
En simplifiant à l’extrême, un bloc d’intérêts communs Arabie Saoudite-Israël-Etats-Unis s’est constitué face à un autre bloc aux intérêts nationaux et géopolitiques convergents, opposé au précédent : Iran-Turquie-Russie. Les critères de ces regroupements sont infiniment compliqués, et sur le champ de bataille syro-irakien, sont appelés à se renverser rapidement, de façon parfois en apparence illogique. Il est néanmoins aisé de voir que le régime syrien lutte pour sa survie avec l’aide décisive de la Russie, que l’Iran aide tout ce qui est chiite et anti-américain, et que la Turquie rejette tout ce qui ressemble de près ou de loin à une admission du fait kurde. L’armée turque, appuyée par des rebelles syriens (souvent des ex-djihadistes), mène depuis un mois une offensive terrestre et aérienne au nord de la Syrie pour en chasser les Unités de protection du peuple (YPG), milice considérée comme « terroriste » par Ankara mais alliée des Etats-Unis et équipée par eux dans la lutte contre le groupe Etat islamique en Syrie.
Les Kurdes syriens s’allient à Assad…
Or, les Kurdes du nord de la Syrie, en grand péril, ont passé un accord avec le gouvernement d’Assad, ce qui surprendra les imprudents commentateurs qui, il y a encore 24 heures, affirmaient mordicus qu’Assad voyait d’un bon œil l’invasion militaire turque sur son sol contre les autonomistes kurdes.
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Le régime de Damas et les partis kurdes viennent d’affirmer hier que cet accord, conclu le 17 février, prévoit le déploiement d’unités de l’armée syrienne dans la région d’Afrin pour faire face à l’offensive turque. Un responsable kurde (Cheikho Bilo) a affirmé hier que l’armée syrienne pourrait se déployer à Afrin (menacée par l’avancée turque) à partir de ce lundi 19 février. Cette négociation qui s’est déroulée avec la participation de la Russie devrait différer les questions portant sur la gestion de l’enclave d’Afrin, actuellement dirigée par une administration autonome kurde, et sur le retour de l’administration centrale syrienne.
…avec l’accord des Etats-Unis ?
Citée par Reuters, l’agence officielle syrienne Sana indique que : « Les forces populaires vont arriver à Afrine dans les prochaines heures pour soutenir ses habitants contre l’attaque du régime turc », et vont « se joindre à la résistance contre l’agression turque », afin de« défendre l’unité territoriale et la souveraineté de la Syrie ». Mais on n’imagine pas que cela ait pu se faire sans l’assentiment au moins implicite des Etats-Unis dont l’implication au sol a été et demeure forte auprès des milices kurdes, décisives dans la lutte contre Daech.
Les Russes font indirectement savoir à Recep Tayyip Erdogan qu’il doit arrêter sa guerre d’annexion… car on ne pense pas une seconde que Damas ait agi sans l’aval des Russes.
La Turquie, ennemi intérieur de l’Otan
Erdogan, qui a abattu des aéronefs russes et menace explicitement les conseillers militaires américains, va se retrouver seul dans son aventure. Et sa position dans l’OTAN devient désormais un problème, ce qui soulève de surcroît la question de la nécessité de maintenir l’OTAN dans sa conception actuelle.
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Dans ce contexte, il serait temps que la guerre des services américains (FBI, CIA, NSA) cesse et que les Démocrates laissent sa chance à l’administration Trump. Les Russes ont pris une position dominante en Orient mais les Etats-Unis ne seront pas de trop pour trouver les compromis vers une paix durable. Quant à la France, elle a oublié sa propre histoire, et notamment les belles pages du Levant français…
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