Jihad autour de ma chambre, fresque et frasques


Jihad autour de ma chambre, fresque et frasques

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Tunisie : Jihad autour de ma chambre

Depuis la fuite de Ben Ali vers l’Arabie saoudite, en janvier 2011, la presse tunisienne a rompu avec la propagande étatique à la Ceausescu. Hélas, le culte du scoop, désormais à l’honneur, n’est pas garant d’un âge d’or de l’information. Le 15 mars, Naoufel Ouertani, animateur sur la chaîne privée Ettounsiya TV, promet le scoop du siècle : il va recevoir un jeune jihadiste repenti. Abu Qussay, Tunisien d’une trentaine d’années au visage masqué, raconte par le menu le périple épique qui l’a conduit de sa ville natale de Kairouan, dans le centre de la Tunisie, jusqu’au front syrien, où il a combattu de l’été 2011 à janvier 2013.

L’impact est énorme. Il est vrai que ces aveux télévisés recélaient de sacrées pépites, confirmant les financements saoudo-bahreïno-koweïtiens de l’Internationaliste salafiste, et glissant au passage quelques détails graveleux sur le repos du guerrier islamiste. Du pain bénit pour des millions de Tunisiens chauffés à blanc contre les monarchies du Golfe, mécènes des islamistes locaux, dont la gestion du pays a fait bien des mécontents.

Quelques détails clochent néanmoins.[access capability= »lire_inedits »] Abou Qussay prétend avoir renoncé à la lutte armée après l’assassinat du cheikh Bouti, un imam sunnite proche du régime syrien, événement qui l’aurait, dit-il, décidé à rentrer au pays. Or Bouti a été tué par une explosion en plein sermon, le 21 mars 2013, soit plus de deux mois après le prétendu retour au pays natal du volontaire. D’autres incohérences de la même eau mettent la puce à l’oreille de Rached Khiari, directeur du site d’information Al-Sada. Ce dernier interroge la famille du « jihadiste »… laquelle lui certifie que l’intéressé n’a jamais quitté Kairouan ces dernières années.

Gros-Jean comme devant, Naoufel Ouertani reconnaît avoir voulu faire un « coup » en invitant le mythomane masqué afin, dit-il, de « sensibiliser les jeunes à la question du jihad en Syrie », qui concerne des centaines de Tunisiens au sang chaud.

Les masques tombés, on peut en déduire une double leçon à l’usage des journalistes pressés : une histoire vraisemblable n’est pas forcément vraie. Et un faux témoignage n’invalide pas une réalité avérée.

Daoud Boughezala

Fresque et frasques

Depuis les années de guerre froide, à Berlin, on sait que les murs peints sont un sujet sensible, même quand le quartier ne l’est pas. Témoin la jusque-là paisible rue de Montbernage, à Poitiers, en proie depuis quelques semaines à ce que nos  confrères de La Nouvelle République du Centre-Ouest n’hésitent pas à qualifier de « guérilla graphique ».

Aux origines de ce conflit pictural pictavin, une fresque qui représente deux monstrueux crânes humains géants, sur fond de flots de sang, avec la mention « Die bobo die » (Crève, bobo, crève !). Hélas, les riverains n’ont aucun sens artistique. L’un des auteurs de la fresque, Jean-Marie Ezzamari, s’en plaint amèrement, toujours dans les colonnes de la NRCO : « La fresque a été salopée par les gens du quartier qui n’aiment pas les crânes. » Des sagouins locaux ont en effet appliqué quelques retouches espiègles aux deux têtes de mort, notamment en les ornant de fleurs colorées et en apposant la mystérieuse signature « Juju et Nono » sur l’un des crânes – donnant à l’ensemble une touche discrètement romantique.

Les graffeurs de l’association Pictav’Art, à l’origine de l’oeuvre, ont réagi sèchement. Ils ont décidé, en sus des deux crânes, de bomber deux pendus très vilains afin de montrer qu’ils pouvaient « vraiment faire quelque chose de choquant » (dixit Jean-Marie Ezzamari). L’un des pendus est une femme enceinte. Craignant que les enfants du quartier ne soient choqués à la vue de la fresque macabre, une habitante du quartier a tenté de porter plainte, mais la police a refusé d’enregistrer sa poursuite. Puis d’autres riverains ont à nouveau barbouillé la fresque, donnant aux maudits crânes de faux airs du Cri de Munch, en train de couler…

On craint la réaction des artistes… Trois crânes ? Quatre pendus ? Jusqu’où cette histoire ira-t-elle ?[/access]

François-Xavier Ajavon

Avril 2014 #12

Article extrait du Magazine Causeur



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