Il y a un peu moins d’un an, les États-Unis annonçaient leur intention de former 5.400 combattants syriens « occidentalo-compatibles ». Pour atteindre cet objectif, un budget de quelque 500 millions de dollars a été alloué au programme de formation, ce qui revient à un coût d’un peu moins de 10.000 dollars par combattant. Avant-hier, au cours de son audition devant une commission du Congrès américain, le général Lloyd Austin, chef du CentCom (Commandement chargé du Moyen-Orient et de l’Asie centrale), a reconnu que les résultats du programme étaient pour le moins mitigés.
D’un côté, l’argent a été intégralement dépensé, ce qui est a priori une bonne chose. En revanche, côté résultats, c’est Fort Alamo et la Berezina réunis : le nombre de combattants formés oscille entre… quatre et cinq. On aurait pu s’attendre à une plus grande précision, s’agissant de tels chiffres, d’autant que la marge d’erreur change radicalement le coût à l’unité : 100 millions de dollars s’ils sont bel et bien cinq, 125 millions s’ils ne sont que quatre à être prêts à affronter l’État islamique. Tout compte fait, cela fait un peu cher et surtout atrocement ridicule. Le plus grave est que ce programme constitue un pilier important de la stratégie américaine de lutte contre l’Etat islamique. Selon Barack Obama, la campagne contre l’EI lancée l’été dernier doit durer trois ans. Pourquoi si longtemps ? Puisque les États-Unis n’ont pas l’intention d’envoyer de troupes au sol (à l’exception des forces spéciales), les Américains limitent leur rôle à trois tâches : rassembler et diriger la coalition anti EI, diriger la guerre aérienne et finalement trouver les troupes nécessaires pour engager le combat terrestre. Les 5.400 combattants que les Américains auraient dû former constituent un des composants terrestres de la stratégie anti-EI en combattant directement sur le front, mais surtout en encadrant des dizaines de milliers d’autres Syriens. Côté irakien, l’espoir d’une armée capable de se mettre en ordre de marche et de récupérer les territoires perdus en 2014 s’éloigne également. Et les forces kurdes ne peuvent à elles seules assumer cette lourde tâche, même en cas (improbable) d’entente avec les Turcs.
Quant aux Russes, il paraît que leur intention est de créer une base dans la région côtière de Tartous et Lattaquié. Pour le moment, les troupes déployées correspondent d’ailleurs uniquement à ce qui est nécessaire pour créer et protéger cette base. Autrement dit, il semblerait que les Russes n’aient pas l’intention de participer directement aux efforts au sol et que leur contribution au combat terrestre contre l’EI soit indirecte : les forces loyales au régime déployées dans la région de Lattaquié pourraient être envoyées ailleurs. Bref, de tous les côtés, rien ne permet de penser que les différents acteurs du conflit syrien ont l’intention de briser la guerre d’usure en cours depuis des années. Des millions de Syriens et d’Irakiens garderont donc comme unique espoir la perspective de refaire leur vie en Europe.
*Photo : Sipa. Numéro de reportage : AP21794023_000007.
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