De la Syrie à l’Irak, les jihadistes ne font pas le printemps


De la Syrie à l’Irak, les jihadistes ne font pas le printemps

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L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) forme « l’un des groupes terroristes les plus dangereux du monde« , s’est alarmé l’ambassadeur américain en Irak, Stuart Jones, sidéré par l’offensive des jihadistes. Peu après, une réunion de l’OTAN était demandée en urgence par la Turquie dont le consul à Mossoul et environ 80 de ses ressortissants seraient retenus en otage.

Onze ans après l’entrée des troupes américaines en Irak et la chute de Saddam, le bilan de l’opération américaine, qu’on savait déjà désastreux, n’en finit plus de s’alourdir. L’armée irakienne, équipée et formée pendant une décennie, s’est évaporée face à quelques centaines de mitrailleuses montées sur pick-up. Plus de 4800 soldats de la coalition auront donc donné leur vie pour que la nouvelle armée démocratique irakienne s’effondre en deux jours devant les apôtres de Ben Laden… Sur le plan matériel, l’Amérique a récemment vendu pour 14 milliards de dollars d’équipements militaires à l’Irak, expliquait le contre-amiral Kirby pour rassurer. Mais où sont passés les Hummers, les Humvees, où sont passés les blindés livrés par le Pentagone? Eh bien, une bonne partie de ces équipements est entre les mains des djihadistes…

Le Département d’État sonne le tocsin,  annonce une mobilisation générale (des Irakiens, bien sûr), et « s’inquiète pour la stabilité de toute la région! » Mais les brigades d’EIIL ne sont-elles pas celles qui résistent courageusement depuis trois ans à la répression sanguinaire de Bachar Al-Assad? Ces brigades n’ont-elles pas été armées par les Saoudiens, les Turcs et les Qataris, fidèles alliés de la Maison-Blanche?

Aujourd’hui, on s’alarme de voir les colonnes djihadistes aux portes de Bagdad mais hier on se réjouissait quand elles arrivaient devant Alep et Raqqa. Pas plus tard qu’en septembre la France et les Etats-Unis étaient à deux doigts de confier les clés de Damas aux « rebelles »! Il s’en est fallu de peu que Barack Obama cède aux faucons de son administration et du Congrès. Dès 2011, la vigie démocrate des droits de l’Homme, Hillary Clinton, opportunément alliée au cow-boy républicain de l’Arizona John Mc Cain, était prête à dégainer. Dix ans plus tôt, le sénateur de l’Illinois avait pressenti l’aventurisme des néoconservateurs de tous bords. Or, grâce à la retenue d’Obama, qui n’a pas voulu faire tomber Assad, les djihadistes se battent aujourd’hui sur plusieurs fronts. Pris en étau entre l’armée syrienne, Al-Maliki et les Kurdes (appuyés par l’Iran, la Russie et les milices chiites), ils ne pourront tenir le terrain. De son côté, la diplomatie américaine a déjà annoncé un soutien strictement politique et logistique à l’Irak. Mais va-t-elle financer la logistique de « l’opposition démocratique » en Syrie et organiser celle du régime de Nouri Al-Maliki en Irak? À ce petit jeu à somme nulle, la guérilla peut se poursuivre encore des années… Car les djihadistes deviennent des ennemis de l’Amérique à la seule condition qu’ils passent la frontière syro-irakienne. Une fois revenus en Syrie, ils ne risquent plus rien.

Les leçons de l’Afghanistan, du temps où la CIA fournissait l’armement de Ben Laden, n’ont donc pas encore été complètement tirées. Celles de l’Irak non plus. En 2003, G.W. Bush était persuadé que la chute de Saddam allait tout changer, aujourd’hui on attend encore la très hypothétique chute d’Assad.

Quant aux Européens, toujours engoncés dans leur rhétorique du « printemps arabe », ils ne disent mot. Ça peut se comprendre : quand on du mal à juguler une menace sur son propre territoire, on n’a plus le temps de songer à une expédition punitive à l’extérieur.

*Photo : capture d’écran Youtube.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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