On y était presque. Visionnaire ou réaliste, François Hollande avait revu, lors de sa dernière conférence de presse au début du mois, sa copie sur la diplomatie syrienne. La France, « engagée » depuis un an en Irak dans la coalition internationale contre l’État islamique (EI), refusait jusqu’ici d’attaquer les djihadistes dans leur fief syrien. Car il ne fallait surtout pas « faire le jeu » de Bachar al-Assad. Dorénavant, l’armée accomplirait en plus de ses habituels vols de reconnaissance, des frappes aériennes contre Daech.
A cette occasion, le chef des armées françaises avait aussi changé de position vis-à-vis de l’Iran et, indirectement, de la Russie. « Il faut parler avec tous les pays qui peuvent favoriser une issue politique » sur le dossier syrien, avait-il déclaré. Cette annonce avait reçu un accueil positif, résumé par le mot du général Vincent Desportes, professeur à HEC, Sciences Po et ancien directeur de l’École de guerre : « L’évolution de la position dogmatique de la France était nécessaire. » Et au sein de l’Union Européenne, l’idée commençait à prendre. Lundi dernier, la Grande Bretagne a fait savoir que son pays était disposé à coopérer avec la Russie : « Nous sommes bien conscients du fait que Daech représente autant de menace pour la Russie que pour l’Europe et d’autres pays du monde. Il nous revient, donc, de trouver un moyen de coopérer les uns avec les autres pour lutter contre le groupe terroriste Daech », a affirmé le porte-parole du Premier ministre britannique. Le même jour, en Allemagne, le vice-chancelier Sigmar Gabriel en a fait autant : « Nos divergences de vue avec la Russie, sur fond de la crise en Ukraine, ne devraient pas influencer notre coopération au sujet du dossier syrien. Nous devons améliorer nos relations avec le Kremlin afin de mieux nous occuper de la crise ». Et d’ajouter : « L’Europe ne pourra pas boycotter la Russie à jamais et lui demander en même temps d’aider les Etats européens. »
En somme, tout allait bien, jusqu’à ce que – patatras ! – François Hollande n’arrête net sa lancée. Pire encore, doublé par Barack Obama qui a déclaré en grande pompe hier, pendant la conférence des Nations Unies, qu’il était temps de s’allier avec la Russie pour combattre Daech, le président français est revenu sur sa position initiale.
Quelle mouche l’a piqué ? Barack Obama n’a fait que se réapproprier une realpolitik vers laquelle s’orientait déjà l’Europe : « Les Etats-Unis sont prêts à travailler avec tous les pays, y compris la Russie et l’Iran, pour résoudre le conflit en Syrie. » Et voilà que la France, qui pouvait jouer un rôle important dans cette nouvelle coalition, fait sa tête de mule et freine des quatre sabots : « On ne peut pas travailler avec les victimes et le bourreau » assène notre Président. Serait-ce paradoxalement l’envie d’exister sur la scène internationale qui a poussé François Hollande à se rétracter pour mieux se différencier ?
Une chose est sûre, toutes les stratégies ont fonctionné sauf celle de François Hollande. Car le bilan des Nations Unies est clair : Barack Obama a su, en tendant la main à Poutine, déjouer la mise en scène du sauveur de la dernière chance qu’il s’apprêtait à incarner. Et le chef du Kremlin, quant à lui, est revenu de loin : grand absent du dialogue occidental, il s’impose en partenaire nécessaire de la lutte contre l’Etat Islamique. Hollande dans tout ça ? Il apparaît comme l’éternel décalé. Une image légère me vient en tête pour le décrire. En le regardant s’agiter dans son coin, on a envie de fredonner : « En retard, en retard, je suis toujours en retard, j’ai rendez-vous quelque part », l’air d’un certain petit lapin blanc au Pays des Merveilles. Le problème, c’est que nous ne sommes pas au pays des merveilles et que le lapin blanc est notre Président.
*Photo : © AFP DON EMMERT
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