«C’était le premier grand test international pour Donald Trump et il a choisi d’y répondre avec célérité et fermeté (…) Le visage grave, la voix très posée, le milliardaire a ensuite appelé toutes les «nations civilisées» à se joindre aux Etats-Unis «pour chercher à mettre fin au massacre et au bain de sang en Syrie». » Lorsqu’il écrit sur Donald Trump, le correspondant à New York de Libération peine à dissimuler son admiration. Et c’est peu dire que le ton a changé à gauche lorsqu’on parle du Président des Etats-Unis.
Le nouvel espoir de la gauche atlantiste
Accusé d’être un agent du Kremlin et une marionnette téléguidée par Poutine il y a encore quelques jours, Donald Trump est devenu le justicier que la gauche atlantiste attendait depuis l’élection de Barack Obama. On se pince quand on entend Benoît Hamon rendre hommage au nouveau président: « L’administration Trump a montré la nuit dernière qu’il y avait un coût à franchir certaines limites. Bachar al-Assad est directement responsable des frappes américaines ». On peine à reconnaître celui qui accusait Facebook d’être coresponsable de la victoire de Trump au lendemain de son élection: « Nous sommes entrés dans une ère de postvérité, de démago-politique, où la parole coup de poing et la posture télévisée comptent plus que l’examen raisonné de leur bien-fondé. » Une expertise digne des meilleurs décodeurs médiatiques !
Il faut toutefois reconnaître que Donald Trump a lui aussi changé de discours. Pour justifier ses frappes, il n’a pas su retenir son émotion: «Par le biais d’un agent neurotoxique mortel, Assad a arraché la vie à des hommes, des femmes et des enfants sans défense (…) les petits enfants et même de beaux petits bébés (…) Leur mort fut un affront à l’humanité. Ces actes odieux commis par le régime Assad ne peuvent pas être tolérés« . Les images brandies par Nikkie Halley, la nouvelle ambassadrice américaine à l’ONU, étaient en effet insoutenables au regard. De tels sentiments de la part du président américain qui a fait preuve d’une telle rapidité à frapper (sans attendre l’aval du Conseil de Sécurité des Nations Unies), il n’en fallait pas plus pour séduire les partisans d’une vision morale des affaires étrangères. Même Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, a salué «un coup d’éclat américain».
Obama savait raison garder…
Les images tournées par les fameux « casques blancs » et relayées par le très contestable Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres ont suffi à retourner la situation internationale. Hier parangon du réalisme en politique étrangère, défenseur égoïste des intérêts américains, Trump est aujourd’hui au diapason des wilsoniens les plus agressifs. John McCain et Lindsey Graham se sont joints à Marco Rubio pour saluer l’initiative. À croire qu’il fallait un lâcher de missiles Tomahawk pour asseoir son autorité présidentielle. La presse est paradoxalement rassurée: les Américains n’ont pas élu un fou à la Maison Blanche mais au contraire un « commandant en chef » responsable. Elle en redemande et craint que l’intervention du 7 avril ne soit qu’un coup de semonce ponctuel. « Le raid sur Shayrat est un coup de semonce qui ne peut rester sans lendemain diplomatique. » conclut Daniel Vernet pour Slate.
Que la caution humanitaire soit apportée par des alliés d’Al-Qaïda en Syrie importe peu au regard des souffrances et des victimes. Dans la décision américaine, il n’y a pas eu de prise de distance, ni de calcul rationnel comme le fit Obama en 2013. L’ancien président avait confié, dans un entretien à la revue The Atlantic, s’être isolé à la Maison Blanche pour prendre une décision qui allait à l’encontre de sa propre administration. Avec le recul, Obama avait jugé avoir pris la meilleure décision de sa présidence. Trump, lui, n’a pas hésité. Il a été touché personnellement par les images. Et ça plaît aux néo-conservateurs des deux rives de l’Atlantique. Sur Twitter, Hillary Clinton avait enjoint la veille de l’attaque le nouveau Président d’attaquer les bases aériennes syriennes. François Hollande demandait une telle action depuis près de quatre ans. Benoît Hamon peut se féliciter : avec Trump, l’Amérique est à nouveau le gendarme du monde.
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