Les lycéens qui viennent de passer l’épreuve anticipée de français s’indignent sur les réseaux sociaux, ces piloris modernes : Sylvie Germain, immense romancière et auteur du texte proposé en commentaire, utilise des mots vraiment trop difficiles ! Menaces de mort et de viol se succèdent sur Twitter. Quand les crétins ont la parole, on peut s’attendre à tout.
Voici le sujet proposé à l’examen — l’Objet d’étude, étudié durant l’année, était « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle ». C’est large… Un mauvais génie a suggéré à un enseignant, dont la proposition a été retenue par l’Inspection générale, de donner un court extrait de Jours de colère, un roman publié en 1989 — autant dire au Moyen-Âge.
« Situé dans un passé indéterminé, le roman de Sylvie Germain Jours de colère prend place dans les forêts du Morvan. Le texte suivant est extrait d’un chapitre intitulé « Les frères ». Il présente les neuf fils d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse. »
« Ils étaient hommes des forêts. Et les forêts les avaient faits à leur image. À leur puissance, leur solitude, leur dureté. Dureté puisée dans celle de leur sol commun, ce socle de granit d’un rose tendre vieux de millions de siècles, bruissant de sources, troué d’étangs, partout saillant d’entre les herbes, les fougères et les ronces. Un même chant les habitait, hommes et arbres. Un chant depuis toujours confronté au silence, à la roche. Un chant sans mélodie. Un chant brutal, heurté comme les saisons, – des étés écrasants de chaleur, de longs hivers pétrifiés sous la neige. Un chant fait de cris, de clameurs, de résonances et de stridences. Un
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