L’autre jour, en cherchant des livres à acheter afin de les offrir autour de moi, je suis tombé sur un savoureux libelle: L’art du mensonge politique (Éditions Jérôme Millon) — un texte paru sans nom d’auteur en 1733. Le ton ironique est si fin et si mordant que l’on en a longtemps attribué la paternité à Jonathan Swift. En fait, les spécialistes pensent que le coupable est un ami de Swift, John Arbuthnot. Qu’importe. C’est un excellent ouvrage de civilité cynique à ranger parmi les classiques du genre : Le Prince, de Machiavel et L’homme de cour, de Baltasar Gracián, mais en plus gaguesque. Il se lit en une heure. On sourit à chaque chapitre. Du gai savoir, en somme, destiné à déniaiser ceux qui gobent les programmes électoraux, les déclarations
gouvernementales, la propagande de guerre, le prêchi-prêcha philosophique, ou ceux qui, tout bonnement, croient à la franchise dans les rapports humains.
Bien sûr, les jobards ne le liront pas. S’ils le lisent, ils y verront une exagération. Qu’ils ne viennent pas couiner s’ils finissent, comme d’habitude, à poil. Pour ma part, dans un ouvrage qui marquera l’Histoire des Idées, à savoir notre Traité du Cafard, j’avais écrit : « Qu’un pouvoir use du mensonge pour justifier telle ou telle de ses entreprises, rien à redire. La fin justifie les moyens. Qu’un peuple n’accorde pas le moindre crédit au mensonge du pouvoir, mais feigne le contraire, rien à redire non plus. Cela lui permet de se soumettre avec bonne conscience. »
Dès que je finis de lire l’opuscule, je renonçai par pur égoïsme à l’offrir et le rangeai à mon chevet parmi d’autres mauvaises lectures qui, depuis bien des années, ont fait de moi un piètre citoyen.
L’art du mensonge politique (Éditions Jérôme Millon)
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