Non, les supermarchés ne sont pas nécessairement des sources d’économies. Faux acteurs de la concurrence, ils déshumanisent peu à peu nos modes de consommation et nuisent au marché de l’emploi. Leur toute-puissance n’est pas une fatalité. Une tribune du groupe Cincinnatus.
Savez-vous ce qui s’est passé en 1931 ? C’est la date à laquelle le premier Prisunic ouvrait ses portes, rue de Caumartin à Paris. Par des prix alléchants, le client apprenait à acheter autrement.
La révolution commerciale était en marche, vers un modèle qui devait s’universaliser et s’imposer au reste du territoire. En 1948, l’ouverture du premier « Goulet Turpin » signait la conquête des prix bas…
Le précurseur Edouard Leclerc ouvre son premier libre-service de 50 mètres carrés dans le Landernau en 1949. En 1957, Carrefour installe son premier supermarché en banlieue parisienne, et apparaît un nouveau terme remplaçant celui de « commerce » : la « grande distribution ». Aujourd’hui, le pays compte plus de 10 000 grandes surfaces alimentaires, pour des points de ventes représentant plus de 20 millions de mètres carrés.
La grande redistribution
Le chiffre d’affaires de ces monstres de l’économie était en hausse jusqu’en 2010 ; plus de 600 000 personnes y travaillent ; mais combien d’emplois indirects ont-ils été supprimés ? Des centaines de milliers, des millions peut-être ?
Les centres villes se sont vidés, les petits commerces ont fermé les uns après les autres, laissant place à des franchisés, des coiffeurs, des banques et des compagnies d’assurance… Les clients, attirés par des publicités racoleuses vantant la diversité des produits, le gain de temps, le stationnement facile et des prix séduisants, ont déserté les commerces de proximité pour se rabattre vers ces temples de la consommation moderne que sont les grandes surfaces.
Les quelques centrales d’achat pressurisent les fournisseurs, les rabais demandés aux transformateurs se répercutent sur les produits de base et donc bien souvent sur les producteurs… Ainsi, les 6,3 millions d’agriculteurs de 1955 ne sont plus que 515 000 aujourd’hui, passant de 27% de la population active à 3,5%.
Les plus petites et les moyennes exploitations ont été touchées de plein fouet par la baisse des prix des matières premières. Les plus grandes, moins fragiles, rachètent celles en difficultés, faisant ainsi passer la surface agricole moyenne en France de 10 à 55 hectares.
Leur bonheur est dans le grand pré
Le gouvernement promet un plan d’investissement de 5 milliards pour les exploitations agricoles. Rappelons-nous cependant que le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui permet une baisse des cotisations sociales, a surtout bénéficié aux grandes entreprises agro-alimentaires, certaines licenciant d’ailleurs aujourd’hui grâce à la loi pour l’emploi… Grâce au nouveau plan du gouvernement, ce sont une nouvelle fois les grandes structures agricoles qui vont pouvoir rénover ou moderniser leurs exploitations laissant de côté les exploitations plus modestes, incapables d’investir la mise de départ. La course au gigantisme dans l’agriculture devrait donc se poursuivre.
Heureusement, certains Français changent aujourd’hui leur mode de consommation en privilégiant les circuits courts, en évitant les intermédiaires néfastes, permettant ainsi aux producteurs de vivre correctement de leur labeur.
Certaines grandes surfaces ont aussi entendu le message des consommateurs : Système U, Intermarché et quelques Leclerc font l’effort de travailler avec des producteurs locaux. Mais la concurrence de produits importés est réelle et pèse sur nos exportations. Leur qualité est souvent en rapport avec leurs prix bas, le bio étranger n’étant pas soumis à toutes les contraintes locales qui pèsent sur nos exploitations.
Automatisation des caissiers et des consommateurs
Dans les autres secteurs de la distribution, le e-commerce est venu concurrencer les grandes surfaces, ne laissant qu’une petite marge de manœuvre aux commerces de proximité. Les grandes surfaces sont donc dans l’obligation de trouver de nouvelles sources d’économie pour le plus grand plaisir de leurs actionnaires. Les monstres de la distribution alimentaire s’évertuent à baisser leurs charges, l’emploi est donc en première ligne et c’est dans le modernisme qu’ils ont trouvé la solution. Les automates et les caisses automatiques en libre-service remplacent petit à petit les caisses traditionnelles. Comme les péages d’autoroute, ou les guichets des bureaux de Poste, l’humain laisse la place aux machines. Pourtant, le prix des péages et des timbres augmentent régulièrement. La réelle concurrence n’existe pas, il vous suffit pendant les fêtes de Noël de comparer le prix des jouets d’un magasin à l’autre, cette modernisation ne fait pas baisser les prix.
Notre manière de consommer a changé sous la pression des publicités, des prix attractifs, du gain de temps pour se rendre à un seul et unique point de vente. Une nouvelle forme de consommation est née. Faut-il continuer d’y souscrire ?
Petits emplois deviendront grands
Il est temps de remettre l’humain au service de l’humain. Privilégions les services de proximité dont les personnes âgées, entre autres, ont besoin. Nombre de petits métiers bien pratiques ont disparu, remettons les au goût du XXIème siècle : porteur de bagages dans les gares, pompistes dans les stations-services, caissières aux péages, au supermarché, à la poste…
Nous sommes tous responsables de leur disparition, mais rien n’est irréversible : il faut remettre en question ces machines à détruire l’emploi.
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