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Fin de vacances

Tim Roth et Charlotte Gainsbourg à Acapulco


Fin de vacances
"Sundown" de Michel Franco (2021) © Ad Vitam

Dans « Sundown » de Michel Franco, Acapulco et sa folie révèlent, à travers une étrange famille anglaise, les névroses de l’hyperclasse.


Une petite famille british en vacances au soleil dans un resort haut de gamme. L’homme a l’air un peu absent (Neil, campé par un Tim Roth tatoué, chenu, mal rasé, vieillissant – il tenait déjà le rôle principal dans « Chronic », un précédent film du réalisateur mexicain Michel Franco). Alice, sa femme (?) – une Charlotte Gainsbourg nimbée de sa beauté sans âge, avec des traits toujours plus secs de film en film – semble beaucoup moins à la dérive que lui.  Les accompagnent une fille et un garçon, tous deux dans l’adolescence –  leurs enfants ? Farniente, cocktails : hype life sous le soleil ; service haut de gamme, sur le littoral idyllique de quelque pays latino, de prime abord insituable.

Tim Roth est Neil Bennett dans « Sundown » de Michel Franco (2022) (c) Ad Vitam

Soudain, un coup de fil sur le portable d’Alice précipite leur départ à tous, en catastrophe : rappelés à Londres par un décès soudain. Au moment d’embarquer par le premier avion (hôtesses aux petits soins), le « mari » s’avise qu’il a « oublié » son passeport. Mais au lieu d’aller le récupérer dans leur résidence de luxe, Neil laisse au chauffeur de taxi le choix d’une pension quelconque, et échoue dans un quartier infiniment moins huppé, à l’autre bout de cette station balnéaire qu’on ne tardera pas à identifier : Acapulco. Eludant les questions embarrassantes de sa famille, persévérant dans le mensonge, le type, décidément en rupture de ban, s’engage dans une liaison torride avec une jeune métisse autochtone, abandonnant les siens à leur deuil, à leur inquiétude et à leurs affaires, au loin.  

Elliptique et acéré

C’est avec un art consommé que l’intrigue égrène, tout à la fois elliptique et acérée, les éléments dont le spectateur fait son miel, à mesure. De proche en proche, celui-ci comprend qu’en fait de couple, Neil et Alice Benett sont frère et sœur. Et qu’elle, multimilliardaire, dirige une multinationale d’élevage porcins dont lui-même est gros actionnaire…

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Les rebondissements les plus inattendus vont ainsi s’enchaîner jusqu’au terme de cette tragédie au dénouement abrupt et insolite. On aurait tort d’en déflorer ici le suspense, admirablement bâti autour du personnage énigmatique incarné par Tim Roth, suspense qui fait à tout instant bifurquer le film dans des directions inattendues – passant du drame familial au thriller, de la romance amoureuse à l’imbroglio sociétal et diplomatique. Selon l’économie d’un récit savamment orchestré, tout entier traversé par la violence de la mort, et par la violence tout court.

Car, sous l’éblouissement solaire et l’atmosphère festive de sa baie au bord du Pacifique, la mythique cité mexicaine d’Acapulco, aujourd’hui minée par la corruption et gangrénée par les gangs armés, respire une euphorie trompeuse. Le danger, qui peut surgir à tout instant, n’épargnera pas les protagonistes.

Pathologie urbaine

Puissant champ magnétique aspirant cet intense « coucher de soleil » vers la nuit la plus sombre, Acapulco, dont le réalisateur est originaire, est ici bel et bien le personnage principal de « Sundown ». Epicentre de toutes les dérives du libéralisme mondialisé où se coudoient, dans une étanchéité vertigineuse, l’enclosure stratosphérique des ultra-riches, et un monde extérieur gros de périls (plages surpeuplées, lieux interlopes, insécurité palpable), cette monstrueuse, irrémédiable pathologie urbaine trouve un écho métaphorique dans les maux hallucinants qui s’abattent sur la tribu Benett.        

« Sundown », de Michel Franco. Mexique, France, Suède, 2021.  Avec Tim Roth et Charlotte Gainsbourg.   Durée : 1h33 En salles le 27 juillet 2022.



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