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Comment la Suisse multiculturelle fait-elle pour vivre ensemble?

La Suisse, l'exception qui confirme la règle


Comment la Suisse multiculturelle fait-elle pour vivre ensemble?
Le footballeur international suisse d'origine macédonienne, Blerim Dzemaili, mai 2016. ©Monika Majer/SIPA / 00757962_000009

Emmanuel Macron aurait pu le dire sans avoir tort: il n’y a pas de culture suisse. Pour la bonne raison qu’il y en a plusieurs. A part le fromage et les hautes cimes, quel ciment permet donc cette joyeux diversité ?


Des votations quatre fois par année, un système de milice ancré dans le pays, un droit d’initiative populaire, une souveraineté des vingt-six Etats confédérés sur différents domaines tels que l’éducation ou la police… Le modèle politique suisse est unique au monde. Au-delà de la question de l’applicabilité d’un tel système en France – Emmanuel Macron ayant bien vite expédié la question du droit de référendum lors de son passage en Bourgogne -, qu’en est-il du rapport en Suisse entre institutions politiques et identité nationale ? Ce lien est fort. Et passionnant.

La politique, ciment identitaire du pays

Bien souvent, la Suisse est réduite par les habitants des autres nations à une simple carte postale. Elle est si belle, cette Suisse des Alpes, des vaches et de la fondue. Les Helvètes eux-mêmes trouvent dans ces caractéristiques contingentes et rassurantes une sorte de liant. Ou alors, on aime puiser ses origines dans les mythes fondateurs : vous savez, ces trois hommes de Suisse centrale qui s’unirent pour résister aux baillis autrichiens, signant le pacte du Grütli en 1291…

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Si ces trois « Suisses » n’ont pas existé, il reste dans ce mythe une donnée essentielle : la donnée politique. Qu’est-ce qui fait de la Suisse la Suisse ? Le sauciflard ? Certainement pas. La culture suisse ? Non, il y a des cultures suisses, chaque région ayant sa littérature, sa gastronomie, son cinéma parfois, influencés évidemment par la France, l’Allemagne et l’Italie. A défaut d’une langue nationale ou d’une religion unique, nous pourrions peut-être retenir de la Suisse ses institutions politiques, qui sont autant d’échafaudages d’une identité commune.

Démocratie directe, fédéralisme et esprit de milice

Ce n’est pas l’historien Olivier Meuwly, auteur notamment des ouvrages Les partis politiques : Acteurs de l’histoire suisse et 19 avril 1874 : L’audace de la démocratie directe, qui nous dira le contraire. En répondant à mes questions, l’ancien chargé de cours de l’Université de Genève met de la passion dans chacun de ses mots : « La démocratie directe, le fédéralisme et l’esprit de milice sont les trois matrices qui ont servi à bâtir non seulement un socle politique, mais aussi un socle spirituel, quelque chose qui nous permet en tant que Suisses de nous sentir suisses. Bref, l’identité suisse est de part en part politique. »

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Selon le vice-président du Cercle démocratique, basé à Lausanne, cette identité est bien sûr le fruit d’un travail humain, elle ne tombe pas du ciel. Et elle s’enracine dans l’histoire et le sang. « La naissance de la Suisse moderne a répondu aux exigences et à l’intelligence des habitants de notre pays. Nos ancêtres ont compris que le seul moyen de trouver une solution à la guerre civile était d’inventer un système reposant sur l’équilibre, la souveraineté et l’indépendance. L’identité suisse s’est forgée dans le pragmatisme. En inventant le fédéralisme, nous avons préféré nous supporter entre cantons que de supporter nos voisins. »

Vivre ensemble, jusqu’à quand ?

Quand on connaît le passé, on ne peut que souscrire à cette vision. Mais quel Suisse connaît encore l’histoire de son pays ? L’école a sa part de responsabilité dans cette augmentation de l’inculture historique, qui n’est pas sans lien avec le mondialisme béat qui régit la pédagogie actuelle. « L’école fait partie de l’explication », me concède Olivier Meuwly, « mais il faut ajouter une série d’autres causes à cette ignorance historique qui est le plus grand danger pour notre identité. Le libéralisme, par exemple, a péché par son insuffisance sur ces questions. »

Faut-il donc être pessimiste et craindre une dislocation de l’esprit national, à ne pas attribuer forcément au nationalisme mais au patriotisme que nous devrions tous partager ? « Non, il faut être réaliste. Pour ma part, je suis un ardent défenseur de l’esprit de milice, qui me fait passer pour un réactionnaire. De même pour le fédéralisme, injustement attaqué aujourd’hui, et la démocratie directe, qu’une certaine gauche comme une certaine droite aimeraient pouvoir raboter au nom d’une d’idéologie de juristes assez inquiétante. Or, c’est précisément le point : à l’ignorance succèdera peut-être la peur, qui ici pourra être bonne conseillère. »

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Journaliste en Suisse. Correspondant au Palais fédéral pour "L’Agefi" et rédacteur en chef de la revue "Le Regard Libre"

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