Searching for Sugar Man, le film suédois de Malik Bendjelloul sur le musicien folk Sixtot Rodriguez, est sorti en France le mercredi 26 décembre sous le titre Sugar man. Ce splendide documentaire reçoit un formidable succès public : à Paris, programmé dans trois salles seulement, il atteint bientôt les 15 000 spectateurs, de même l’album de la bande originale du film composé de chansons de Sixtot Rodriguez se vend très bien (10 000 exemplaires) et son concert prévu à Paris à la Cigale le mercredi 5 juin affiche déjà complet.
Mais qui est Sixtot Rodriguez ? Ce musicien de folk américain est né en juillet 1942 à Détroit dans le Michigan. Il est le sixième enfant d’une famille d’immigrés mexicains appartenant à la classe ouvrière. Le jeune Rodriguez influencé par le blues et la culture musicale hippie, va enregistrer en 1969 un premier album magnifique « Cold Fact », puis en 1972 « Coming From Reality » tout aussi splendide, mais les deux disques ne rencontrent que très peu de succès et ne franchissent pas la frontière des Etats-Unis – à une époque ou Bob Dylan, Neil Young et toute la musique de la côte ouest américaine arrive en France -, ces deux disques resteront inconnus jusqu’à leur réédition en 2008.
Le film commence en Afrique du Sud, par un somptueux travelling, suivant une voiture sur une route qui rejoint Le Cap, le long de la côte sauvage surplombant des falaises abruptes. Le plan est d’une beauté sauvage et sidérante. Le chauffeur, Stephen Segermen, un disquaire sud-africain – que tous appellent Sugar Man, surnom qui lui a été donné à cause d’un titre de l’album de Rodriguez « Cold Fact » – se remémore comment ce chanteur mexicain inconnu est devenu un musicien culte dans son pays.
Le cinéaste construit son film comme un thriller, nous allons de surprise en surprise. Nous refaisons avec les personnages de ce documentaire, le chemin parcouru pour comprendre : Sixtot Rodriguez est-il encore en vie ou décédé d’une mort mystérieuse, voire violente ? Chante-t-il toujours ? Où vit-il ? Grâce à une série de témoignages et d’entretiens émouvants, nous sommes tenus en haleine et nous comprenons les causes du triomphe de Rodriguez dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Nous nous retrouvons ensuite à Détroit, superbement filmée par Malik Bendjelloul. Dans un immense brouillard de pollution, nous explorons le quartier d’origine de cet immigré mexicain au talent fou. Dans un plan d’une intense émotion, le cinéaste cadre une maison très modeste, à travers la fenêtre, nous distinguons en ombre une silhouette d’un homme aux cheveux longs. La fenêtre s’ouvre et apparaît un homme âgé, Sixtot Rodriguez, un véritable dandy populaire. Suivront des moments d’entretiens avec lui et ses filles aimantes qui nous font découvrir un grand musicien et chanteur, mais aussi un homme qui vit avec une philosophie de vie d’une saisissante rigueur politique et morale ; un homme qui a travaillé toute sa vie comme ouvrier maçon pour faire vivre sa famille ; un homme qui participe à la vie sociale et politique de sa ville.
Retour au Cap avec le concert triomphal de Sixtot Rodriguez, accueilli comme une légende vivante. La salle est pleine à craquer, la foule en délire, les filles pleurent, les gens reprennent en cœur ses chansons « Sugar Man », « I Wonder ». Surpris, mais incroyablement serein, il offre au public un concert d’une force musicale intacte.
De retour à Détroit, nous revoyons cet homme à la silhouette un peu vieillie et courbée se déplacer avec une noblesse sans pareille. Nous vous aimons Monsieur Sixtot Rodriguez, vous êtes un seigneur.
Sugar Man de Malik Bendjelloul
Suède – 2012 – 1h26, actuellement en salles.
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