Vocabulaire indigent, syntaxe plus qu’incertaine, orthographe erratique: les formations dispensées à des salariés adultes révèlent qu’ils sont quasi étrangers à leur propre langue. Ce massacre est encore plus grave que le manque de culture générale.
Il y a plus de trente ans que j’anime des stages destinés à des salariés, dans des entreprises privées comme dans la fonction publique. Mon domaine est celui de la « communication », écrite et orale, même si je n’aime guère ce mot et l’utilitarisme qu’il recouvre. Littéraire de formation, je n’ai enseigné le français que deux ans dans l’Éducation nationale. Sans qu’il y ait de lien de cause à effet, j’en suis parti au moment où émergeaient les premiers diagnostics d’abaissement du niveau scolaire. Peut-être, inconsciemment, n’ai-je pas voulu accumuler les expériences qui rendent un marasme de moins en moins contestable, et finissent par vous acculer à un sempiternel ressentiment. Au fil des années, mes amis et connaissances restés dans l’Éducation nationale n’ont pas manqué de me demander comment je voyais, de mon observatoire particulier, un problème qu’ils ont tous subi à des degrés divers, du collège aux classes préparatoires.
A lire aussi: Pierre Mari regarde la France tomber
Je ne veux pas avoir l’air d’un déserteur qui incriminerait les troupes restées dans les tranchées. Mais je suis obligé de leur répondre que les stages que j’anime aujourd’hui me ramènent à une implacable évidence : l’école, en amont, n’a pas fait son travail. Ou quand elle l’a fait, c’est par intermittence, par bribes, et comme par miracle. De ce point de vue, un abîme s’est creusé en trente
