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Attentat de Strasbourg: comment on fabrique le déni

L'attentat de Strasbourg n'a pas mis fin au "pas d'amalgame"


Attentat de Strasbourg: comment on fabrique le déni
Les parents de Cherif Chekatt, BFM TV.

L’attentat de Strasbourg a mis en acte plusieurs facettes du déni tel qu’il se pratique en France, chaque fois qu’il est question d’islamisme ou de terrorisme islamiste.


Règle n°1: le déni est d’abord celui de l’Etat et de la classe politique

Le 12 décembre, alors qu’il est déjà acquis qu’un terroriste islamiste nommé Chérif Chekatt, d’origine algérienne, délinquant multirécidiviste, tire à vue sur les badauds du marché de Noël de Strasbourg, les pouvoirs publics s’emploient à nier l’attentat. Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, sur France Inter, refuse de qualifier les actes du tueur islamiste d’ « attentat ». Quelle raison donne-t-il ? « Le tireur n’a jamais essayé de se rendre en Syrie ».

Bruno Studer, député LREM, a sangloté deux jours plus tard sur les bancs de l’Assemblée nationale en déclarant : « Hier soir, un Strasbourgeois né à Strasbourg, un Alsacien né en Alsace, un Français né en France, et n’ayant grandi nulle part ailleurs qu’à Strasbourg, en Alsace et en France, a décidé pour des raisons que l’enquête déterminera de semer la terreur sur le marché de Noël de Strasbourg ».

MM. Studer et Nunez ont cherché tous deux à déréaliser le réel. Telle est la définition du déni. Les attentats islamistes ne sont pas des attentats islamistes car l’islam est une religion de paix et d’amour. Questionner l’islam reviendrait à « stigmatiser » l’ensemble des musulmans. L’attentat de Strasbourg doit rester l’acte isolé d’un « Français » lambda, incompréhensible, et donc dément. Telle est d’ailleurs la thèse de la justice depuis 2015 : les terroristes sont des déséquilibrés qui agissent seuls.

Il serait bien sûr inacceptable, tant sur les plans moral que politique, de pointer un doigt accusateur sur l’islam et les musulmans. Mais le dédouanement en bloc, la négation de la sécession politique et culturelle d’une frange importante de la communauté des Français musulmans, sont-ils pour autant acceptables ?

Règle n°2: le déni s’appuie sur les « experts »

Cette politique publique du déni est servie par de puissants alliés. Médias et experts s’associent souvent pour conforter la thèse que l’islam ne saurait être meurtrier. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule technique connue : transformer le tueur en victime. C’est ce qu’ont fait le 14 décembre, Le Monde et Farhad Khosrokhavar, « expert » de l’islam et auteur de plusieurs livres sur le sujet. Affirmer que Chekatt « est un individu animé par un islamisme radical, fait peur à la société et crée une atmosphère de panique généralisée », explique M. Khosrokhavar. Refusant de « faire peur », M. Khosrokhavar a donc développé la thèse devenue un classique que Chekatt était un pauvre garçon « désespéré » « qui veut en découdre avec la société, en a assez de vivre une vie éclatée entre la prison et le monde extérieur ». Strasbourg n’a pas été victime d’un attentat islamiste mais d’un « moment de fragilité psychologique ou un désir de revanche » sociale d’un malheureux.

Le chercheur Olivier Roy est le chef de file de cette école de la désinformation. Olivier Roy analyse la réislamisation des sociétés musulmanes comme la conjonction de quêtes existentielles individuelles. « Allah akbar » serait selon lui l’équivalent du peace and love des hippies des années 1960. Plus la chape islamiste massifie les populations, plus il perçoit les rues du Caire comme peuplées de hippies musulmans en quête de solutions personnelles.

On voit bien l’intérêt de cette « théorie » pour les pouvoirs publics. Elle permet de ne pas répondre à cette question vitale que chaque Français se pose : le musulman du coin de la rue est-il ou non cet inquiétant voisin qui menace de découper le juif ou le mécréant à la machette ? Olivier Roy et Farhad Khosrokhavar contribuent au déni de l’Etat quand ils bottent la question en touche et affirment que les jeunes radicalisés ne sont pas des terroristes islamistes, mais des hippies qui ont mal tourné.

Gilles Kepel, l’un des rares vrais experts français de l’islam, s’est indigné sur FranceTv info de ces calembredaines meurtrières : « Certains spécialistes, comme le sociologue Farhad Khosrokhavar, expliquent que Cherif Chekatt n’était pas un djihadiste mais un déprimé, qu’il a fait cela par désespoir. On a là l’explication de l’échec total de ce qu’a été notre politique par rapport à ce phénomène : l’incapacité à comprendre la dimension idéologique de la radicalisation, à comprendre ce qu’il se passait dans les prisons, etc. Il faudrait que le président de la République se saisisse de cette question et arrête de faire en sorte que notre administration soit à côté de la plaque sur ce type d’enjeu. »

Mais à quoi bon s’égosiller dans le désert. Les forces du déni sont puissantes.

Règle n°3: les médias sont le principal relais du déni

Aux tenants de la classe politique et des experts, il faut ajouter les médias. Quelle meilleure façon d’accréditer la thèse du déséquilibré dans le public que d’aller interviewer le père et la mère du terroriste assassin. Lesquels, comme n’importe quelle famille française, ont éduqué leur rejeton dans le respect de la loi et de l’ordre républicain. Le déni fonctionne sur ces présupposés communs. Comme l’islam, la famille est un relais de paix et d’amour.

France 2 est donc allé interviewer la famille Chekatt. Et les Français ont découvert le père Chekatt, le chef orné d’un bonnet à l’effigie de Che Guevara et portant la barbe teinte en roux des salafistes les plus radicaux. La question de France 2 était : comment votre fils a-t-il pu aussi mal tourner ? La réponse du père (des voisins, des amis, de la grand-mère) est toujours la même : il était très-très gentil.

Bref, la télé filme le cœur d’une cellule islamiste radicalisée, mais refuse de voir ce qui crève les yeux :  le père est lui-même islamiste, fiché S [ndlr: ce texte a été publié avant le démenti de France 2: « Contrairement à ce qui est indiqué dans le commentaire du reportage, le père de Cherif Chekatt n’est pas fiché S »] et se teint la barbe en roux, au henné pour mieux imiter le prophète. Ils sont en France depuis trente ans, parlent à peine le français, et les murs délabrés de leur appartement, son mobilier plus que sommaire témoignent moins de la pauvreté que du refus de s’installer confortablement dans la société française.

Aucune question dérangeante ne sera posée : pourquoi portez-vous la barbe des salafistes? Que signifie ce bonnet à l’effigie de Che Guevara ? Quelle éducation avez-vous donné à votre fils pour qu’il soit considéré comme un délinquant même par les enseignants de son école primaire ?…

Le déni est si puissant que les islamistes radicaux n’ont même plus besoin de se cacher. Ils sont là au grand jour et personne ne veut les voir. La police elle-même a relâché le couple parental après moins de 24 heures d’interrogatoire. Rappelons que les services sociaux ont mis gracieusement un logement social à Tremblay-en-France, à la disposition de Zoulikah Merah, la mère de Mohamed Merah pour qu’elle puisse se rapprocher de son fils Aldelkader Merah, incarcéré à Villepinte en 2017.

Règle n°4: « Vous n’aurez pas ma haine »

L’autre forme du déni médiatique est de trouver celui qui clamera « vous n’aurez pas ma haine ». Un rôle que le professeur Philippe Meirieu a tenu à merveille lui, dont le tweet sera abondamment relayé par les réseaux sociaux. « Attentats de Strasbourg : la barbarie est là, tapie dans notre quotidien. Surtout ne pas oublier que le passage à l’acte, même préparé de longue date, peut toujours être suspendu par un mot, un geste, une rencontre. Adoucir le monde, voilà l’urgence. »

Règle n°5: le musulman est la seule victime de la société française

Enfin, ce concert déréalisant, se termine toujours par les mêmes points d’orgue : les déclarations des leaders de la communauté musulmane. Ils viennent toujours opportunément rappeler qu’il n’existe qu’une seule victime en France, c’est le musulman. « Les musulmans vivent dans un climat anxiogène », a déclaré Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris dans un entretien accordé début décembre à un journal algérien. Le même trouverait profondément inconvenant que l’on se demande si les Français non-musulmans ne vivent pas eux-aussi dans un climat anxiogène. Du fait des musulmans radicalisés par exemple.

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