« Paix et dialogue ». Prononcés par Benoît Hamon au sujet de l’amnistie sociale votée par le Sénat, ces deux mots résument à eux seuls la moraline de l’époque. Un esprit de guimauve qui pallie l’incapacité du politique à changer la vie, comme on disait au siècle dernier. Devant l’impasse sur laquelle ont successivement buté Chirac, Sarkozy et Hollande, nous nous sommes dit que « l’impuissance publique » ferait un sujet parfait pour notre livraison de mars, dans la continuité de notre dernier numéro sur la « fracture sociétale ».
Le 27 février, deux événements ont incarné ce mélange d’impuissance et de morale creuse. Ce jour-là, « le théoricien de l’indignation généralisée » Stéphane Hessel rendait l’âme. Pour notre chère Elisabeth Lévy et Gil Mihaely, malgré l’obsession anti-israélienne de son auteur, l’engouement autour d’Indignez-vous exprime moins un regain d’antisémitisme qu’un « renoncement à penser la complexité du monde ». Une vision des choses que partage Alain Finkielkraut qui nous rappelle que « l’on s’indigne toujours contre l’Autre ». Son journal du mois, extrait des meilleurs moments de « L’esprit de l’escalier » sur RCJ, revient notamment sur la disparition de Stéphane Hessel et le désamour de l’intelligentsia pour le pape Benoît XVI, décidément trop catholique.
Autre dégât collatéral de notre paresse intellectuelle, la loi d’« amnistie sociale » confère à nos « gouvernants le droit de décréter arbitrairement que certaines opinions sont légales et d’autres pas ». Comme l’explique notre rédactrice en chef, l’annulation des « sanctions pénales et disciplinaires prononcées pour des destructions commises au cours de mouvements sociaux » entre 2007 et le 6 mai 2012 définit les bornes du délit d’opinion autorisé. En gros, défense de vandaliser une préfecture après l’éviction de Sarkozy ou de sortir du cadre autorisé par la gauche morale. Prolos en colère, tenez-le vous pour dit !
Mais entrons dans le vif du sujet. Chômage – Insécurité – Austérité : nous voilà dans le dur de la crise. Pour ne pas souffrir d’hémiplégie, nous avons auditionné, pardon interviewé, deux responsables politiques spécialistes des affaires économiques et sociales. Eric Woerth, ancien ministre de Chirac et Sarkozy, nous livre son diagnostic de l’immobilisme : à l’entendre, notre pays manquerait d’audace dans les réformes, de dialogue social et de sens de l’intérêt général. Un constat que partage au moins en partie le socialiste François Kalfon, créateur du collectif de la Gauche Populaire, qui appelle Hollande à engager une véritable révolution fiscale. Pour ne pas désespérer Billancourt (ou ce qu’il en reste…), Kalfon vante la « flexi-sécurité », le made in France et l’innovation technologique. De quoi rompre avec les « quarante ans d’agonie de l’Etat » que retrace Jean-Luc Gréau au fil des occupants successifs de l’Elysée et de Matignon ? Le lecteur tranchera.
Qui dit impuissance publique ne dit pas forcément atrophie intellectuelle. Ainsi, à l’occasion du soixantenaire de la mort de Staline, un entretien fleuve avec l’historien des totalitarismes Timothy Snyder, auteur de la somme Terres de sang, ouvre notre volet culturel. Notre dossier Staline, concocté par Gil Mihaely, Jérôme Leroy, Luc Rosenzweig et Frédéric Rouvillois, vous fera sortir du mythe pour affronter la grande hache de l’Histoire.
Sortis du goulag, vous rebasculerez dans le IIIe millénaire, ère post-nationale où les grandes écoles françaises speak English, ou plutôt globish, comme le déplore Emmanuel Constantin. Et si vous n’avez pas votre lot de critique sociale, vous attendent nos lectures critiques des dernières parutions de Jacques Ellul et Jean-Claude Michéa, deux références incontournables pour tous ceux qui ne font pas rimer socialisme avec progressisme.
Enfin, pour reprendre un peu d’air frais, n’hésitez pas à feuilleter nos pages International qui vous emmèneront de Tunis – un reportage exclusif d’Elisabeth Lévy- à Tombouctou en passant par Saint-Pierre de Rome et Bilbao. Une fois de plus, notre agence de voyages s’est mise en quatre… avant d’atterrir en kiosques dès le 4 avril. Rendez-vous est pris !
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