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Stéphane Barsacq ou la recherche de la spiritualité

"Solstices", Éditions de Corlevour (2022)


Stéphane Barsacq ou la recherche de la spiritualité
L'écrivain Stéphane Barsacq en 2016. Image : capture d'écran YouTube / France 3 Centre-Val de Loire

Dans un essai où il évoque plusieurs grandes figures de notre littérature, Stéphane Barsacq nous invite à prendre un peu d’altitude à l’aide, notamment, de Baudelaire et Rimbaud.


Certains livres tombent à pic. Solstices, de Stéphane Barsacq, fait partie de ces livres-là, trop rares. On prend alors ses distances avec le siècle, on aspire au silence, à la méditation, on espère un soleil de janvier derrière les fenêtres sans rideau et le réveil avec le tremblement de l’aurore. Le temps n’est plus à mugueter mais à rejoindre l’atmosphère de l’abbaye de la Trappe. 

On pense en effet à l’ouvrage si moderne de Chateaubriand, Vie de Rancé. Au moment où le corps est saisi par les premières attaques de la vieillesse, que reste-t-il ? « L’amour ? il est trompé, fugitif ou coupable, écrit Chateaubriand. La renommée ? vous la partagez avec la médiocrité ou le crime. La fortune ? pourrait-on compter comme un bien cette frivolité ? » 

Il convient donc de se plonger dans Solstices pour y puiser la sagesse de continuer à vivre différemment. Stéphane Barsacq, romancier, essayiste, éditeur, nous propose des fragments de réflexion afin de rendre plus harmonieuses nos futures actions. On ouvre au hasard son livre, on lit, on médite. Comme s’il s’agissait de l’ouvrage d’un nouveau Marc Aurèle ou Théodore Monod, ou bien encore un religieux marchant dans la brume bleutée du mont Sinaï. Exemple : « Le génie est le nom profane de la grâce. » Ou encore : « L’absurde n’est jamais que la traduction scientifique de la transcendance. » Et encore : « Tout est rythme, a dit un Grec ; et le destin entier de l’homme est un seul rythme céleste. » Barsacq évoque souvent les vertus de la musique. Il n’oublie pas le mystérieux Mozart. « Mozart n’a pas mérité d’avoir si mal ni si durement vécu, souligne-t-il, mais, plus verticalement, je pense que l’humanité ne mérite pas Mozart, quoiqu’il la sauve. Peut-être est-ce le destin d’un Dieu. » Verticalité, horizontalité ; Spleen, idéal. On en arrive au chapitre consacré à Baudelaire. On pensait avoir tout dit du poète des Fleurs du Mal, on se trompait. Il en est de même avec le chapitre consacré au « corrosif » Rimbaud. Barsacq gomme les vieux clichés, bouscule les commentaires éculés des professeurs paresseux. Ces deux-là n’ont plus droit à des procès en sorcellerie, c’est ce qui pouvait leur arriver de pire, car on finit par ne plus les lire. 

Et pourtant, ils restent hautement irradiants. Il faut seulement prendre le temps de les comprendre. Comme le fit Georges Bataille (plusieurs fois cité par l’auteur) pour Baudelaire. À propos de Rimbaud, dont la clé de l’œuvre nous est encore inconnue, Stéphane Barsacq déclare : « (il) n’est pas un gentil communiant un peu excité ; c’est l’homme d’une violence totale dirigée contre soi. À chaque degré de son ascension, il se mesure à un modèle pour le faire exploser ; à la fin, il se mesure à Dieu, et il se tue en se survivant – car il ne peut y croire, comme il ne peut plus croire en lui. Dès lors, il se traîne dans le désert, sans plus parler à personne, comme un fantôme. » Nos puissants devraient apprendre par cœur la citation.

Barsacq évoque, entre autres grandes figures intellectuelles, la philosophe Simone Weil, au destin à la fois tragique et lumineux, morte à l’âge de 34 ans, en 1943. Ce chapitre est peut-être le plus remarquable du livre. Il permet, lorsque tout n’est plus que ruine et deuil, de croire encore à cette lueur à l’horizon qui s’appelle Aurore, comme le rappelle Jean Giraudoux à la fin de la pièce Électre

L’auteur rend également hommage à son maitre et ami Lucien Jerphagnon (1921-2011). Le professeur, aux origines girondines, citait saint Augustin en latin rendant l’évêque d’Hippone plus vivant que le dernier prix Nobel de littérature, ce qui est le secret de la transmission. Barsacq cite Jerphagnon : « Tota simul, disait de l’éternité saint Augustin. Je sais maintenant que, depuis toujours, l’histoire des hommes est une chronique de l’éternel présent. »

Il est primordial de tenir à distance les scories de l’époque, entretenues par les bavards haineux sans mémoire. Solstices nous y aide. Gardons-le toujours auprès de nous. Dans le silence musical des mots.

Stéphane Barsacq, Solstices, Éditions de Corlevour.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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