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Stavisky, tuer n’est pas jouer


Stavisky, tuer n’est pas jouer
Affaire Stavisky : contre manifestation du 12 fevrier 1934 (On ne suicidera pas la Republique comme on a suicide Stavisky) --- Stavisky case : counter demonstration on February 12, 1934. Crédit photo : Rue des Archives/PVDE.

Revivez la plus grande affaire des années 1930 et faites connaissance avec le double jeu du « beau Sacha ».


Cet été, plongez dans le bain d’un vrai scandale d’État, pataugez gaiement dans les eaux fangeuses de la IIIe République. Ce Sacha-Alexandre Stavisky n’a pas révélé tous ses secrets depuis que l’on a retrouvé son cadavre, le 8 janvier 1934, dans le chalet « Le Vieux Logis » près de Chamonix, en Haute-Savoie. Les éditions Atlantica republient L’Affaire Stavisky de Jean-Michel Charlier et Marcel Montarron, parue une première fois en 1974 dans la collection « Les dossiers noirs » de Robert Laffont.

Parions que dans cinquante ans Alexandre Stavisky, fils d’immigrés russes, prince de l’arnaque et déclencheur de la chute d’un gouvernement, fascinera toujours les amateurs d’intrigues politico-financières. Alain Resnais n’avait pas résisté à adapter cette affaire au cinéma en engageant Jean-Paul Belmondo dans le rôle-titre. Joseph Kessel écrivit même un très personnel Stavisky, l’homme que j’ai connu. Pourquoi une telle attraction pour un personnage aussi fuyant ? D’abord, il y a ce train de vie somptuaire qui fait fondre la ménagère et suscite tant de questions sur son origine. « Monsieur Alexandre » jouit, en apparence, d’une fortune sans aucune limite. Il est intouchable.

« Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant. »

Arlette, son épouse, ex-mannequin Chanel, brune hiératique à se damner, illumine de sa grâce ce modeste faussaire jadis fiché comme laveur de chèques et joueur professionnel. Lestée de quelques bijoux, elle arpente les concours d’élégance dans une rutilante Hispano tandis que son mari joue au baccara avec le baron Empain, parle chevaux avec les Rothschild, congédie des ministres au petit déjeuner, finance des journaux et s’achète le théâtre de L’Empire.

Les conditions rocambolesques de son suicide alimenteront longtemps les rumeurs et les gazettes. Le Canard enchaîné en date du 10 janvier 1934 met à la une cette accusation : « Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant. » C’est la première fois qu’un droitier se suicide de la main gauche. Les deux enquêteurs s’interrogent sur cette zone grise où hommes politiques, financiers de haute volée, porte-flingues, avocats marrons et policiers véreux piétinent allègrement la loi. L’affaire Stavisky va secouer la France, déclenchant les événements de février 1934 devant la Chambre, puis la décapitation du conseiller Albert Prince, cet ancien chef de la section financière du parquet dont le corps fut retrouvé sur une voie ferrée. Un imbroglio inimaginable où une mère perdrait ses petits. Et toujours cette lancinante question : qui était vraiment Stavisky ? Un seigneur de la finance ou un vulgaire homme de paille ? Un bon père de famille ou un menteur pathologique ? Qui avait des raisons d’assassiner cet homme qui en savait trop sur les compromissions du pouvoir ? Dans ce feuilleton haletant, on retrouve les pontes du radical-socialisme, les prestidigitateurs des opérations sur les changes, des receleurs de bas étage, mais aussi le visage de l’inspecteur Bonny, « ex-premier policier de France » fusillé à la Libération pour avoir été le lieutenant de Lafont, le maître de la rue Lauriston. Une époque palpitante, pleine de ramifications mortifères, de personnages sortis d’une série noire et, en fond sonore, la colère du peuple qui monte, qui monte…

L’Affaire Stavisky : les dessous d’un scandale national, de Jean-Michel Charlier et Marcel Montarron , éditions Atlantica, 2017.

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Été 2017 - #48

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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