Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c’est l’ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne ! Et ce mois-ci, notre galaxie.
Vous avez suivi ? À lire les potins et entendre les copines, on dirait que pas tous. Alors pour vous, non-initiés au rite Jedi, je résume.
A long time ago dans une galaxie far, far away – (il y a quarante ans à Londres et en Tunisie) – un réalisateur nommé George Lucas tourne le film de ses rêves : Star Wars. Éternel pour le folklore, nouveau pour l’œil, le film passe en trois mois de blague à phénomène et rapporte plein de dollars. Donc on continue. En 1980 sort l’épisode suivant sous un titre de série Z : L’empire contre-attaque.
George Lucas s’estime trahi
Attention, ça se corse. Lancé comme un sous-produit, L’Empire fracasse tout et pas seulement le tiroir-caisse. Pour étoffer la fable et ses héros, George Lucas a choisi la romancière Leigh Brackett, qui avait pris part au Grand Sommeil et à Rio Bravo, avant d’écrire Le Privé pour Robert Altman. Idée géniale. Mais la dame meurt dès le premier synopsis – parfait, faut dire. Deuxième idée géniale : la remplacer par le jeune Larry Kasdan, virtuose encore inconnu. Troisième idée géniale : confier la caméra à un vrai cinéaste, Irvin Kershner, l’ancien prof de Lucas à la fac de Los Angeles. D’idée géniale en idée géniale, L’empire contre-attaque devient un film génial, de loin le meilleur en quarante ans. Le récit, les images, les visages, Yoda, le plus beau duel depuis Scaramouche, « No, I am your father », même la Marche impériale en sol mineur absente de l’opus 1 : tout est dans la Contre-attaque. De phénomène, voilà Star Wars promu mythe.
Mais George Lucas s’estime trahi. Pour l’épisode suivant, le patron reprend le pouvoir, bousille le scénario, dégote un réalisateur sous-doué, rate ses effets spéciaux, se vautre dans le merchandising de nounours… Le Retour du Jedi commence morose pour finir grotesque. Rideau. Sauf que le créateur a toujours eu en tête une nonalogie, une saga grand genre, et que la révolution numérique ranime ses ambitions. En 1999, Lucasfilm inaugure une « prélogie » consacrée aux enfances du vilain Darth Vader. L’industrie du jouet monte en bourse, le cinéphile déprime. Chapelet de niaiseries pontifiantes et mal cousues, les tribulations de la dynastie Skywalker feraient honte à Goldorak. Good bye Star Wars.
Vivement le dernier !
Dernier coup de génie : en 2012 Lucas vend sa boîte à Disney. Qui enclenche la trilogie finale sur le mode nostalgique. Effacer les traces du massacre, renouer avec la poésie magico-réaliste des origines, voilà le programme. Que réalise J. J. Abrams dans le bien nommé Réveil de la force, pansement appliqué avec délicatesse sur trente ans de blessures. Réveil en douceur parmi les sables, les soleils, les vaisseaux flingués de jadis. Rien de plus, mais le mythe est sauf. On respire.
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Jusqu’aux Last Jedi, épisode VIII sorti le 13 décembre. Deux heures et demie de mon père, mon sabre, mon bouddha, gros collage de plans déjà vus et déjà ouïs (un charleston au casino, plagiat de 1977) par des comédiens abandonnés à un réalisateur myope.
Pas le vide sidéral des années 2000, non non. De bien belles choses même, comme ces renards de givre sur une terre de sang, ou cette leçon finale que la haine ne peut vaincre l’ennemi puisqu’elle l’invente. Mais trop peu de cinéma pour trop de citations et une signature Disney de moins en moins discrète, qui reproduit même le logo maison dans le dernier plan. Un épisode pour patienter.
En attendant le IX et le retour de J. J. Abrams, vite une quarantième fois L’empire contre-attaque ! Voilà. Enfin chez soi.
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