Avec la Coupe du Monde, la fin de Roland-Garros et le début du Tour de France, le sport est partout. Il a gagné son combat idéologique. Il a réussi à mater les Etats et à asservir les peuples avec pour seul leitmotiv : l’exercice physique filmé comme grand défouloir aux frustrations modernes. Cette nouvelle drogue des sociétés en manque de repères voulait façonner les corps et les esprits. Sa victoire est sans appel. Compétition, argent, pouvoir, gloire, le sport professionnel est une société du spectacle sans intermittents, ces éternels empêcheurs de tourner en rond qui gâchent la fête à la fin.
À côté du sport ultracapitaliste, il y a le sport loisirs qui se pare de toutes les vertus humanistes : solidarité, bénévolat, fraternité, bienfaits au niveau de la santé et de la cohésion sociale. Gentils amateurs (il suffit de jeter un œil sur les terrains de foot, de rugby ou d’ailleurs pour voir la violence qui s’exerce chaque week-end partout en France à un tout petit niveau) contre méchants professionnels. Les manichéens les opposent alors qu’ils forment une association redoutable. C’est de la dynamite ! Chacun se nourrit des carences de l’autre. Le sport pro se donne bonne conscience en finançant le sport amateur, et le sportif du dimanche n’a qu’une envie : imiter le champion, à défaut d’égaler ses performances, il cherchera dans le matériel toujours plus perfectionné ou la dope, son salut. Dans les deux cas, il fera marcher la machine à consommer, c’est le principal. L’homme du XXIème siècle, s’il ne chasse plus, coure, pédale ou escalade pour brûler des calories ou pour s’occuper tout simplement. Car, le malheureux s’ennuie.
Ça ne lui viendrait pas à l’idée de se poser, ne serait-ce qu’une heure ou deux, un livre entre les mains, non il a besoin d’action, de confrontation, de jeu et d’estime des autres surtout ! Celui qui ne pratique aucun sport étant évidemment considéré comme un dangereux situationniste. La reconnaissance se gagne en s’alignant, par exemple, au Marathon de Paris. L’effort est la base du contrat social. Alors, le citoyen modèle enfile ses baskets (chouette, c’est sympa tu verras dixit Les Forbans) et sort dans la ville. Les relations entre le sport et la cité n’avaient jamais été étudiées en profondeur, c’est-à-dire, cartes à l’appui. Avec 28 000 installations sportives sur la région Ile-de-France, il était temps de s’y intéresser. Le Pavillon de l’Arsenal propose donc jusqu’au 31 août l’exposition « Sports – Portrait d’une métropole« , dans le genre sérieux (plans, photos, etc…). Nous sommes dans l’antre de l’Urbanisme et de l’Architecture pas dans un stade. C’est parfois austère mais toujours instructif notamment les panneaux avec les clichés en noir et blanc du Vel d’Hiv, de la Piscine Deligny ou du Skatepark de la Villette. L’histoire du sport national s’est écrite en lettres « Capitale ». Pour faire passer cette pilule éducative, il fallait du ludique. Des tables de ping-pong (pardon de tennis de table) ont été installées et des initiations au badminton, roller, skate et même Bike Polo (?) auront lieu durant tout l’été. La dérive festive fait toujours un peu sourire comme ces parents qui obligent leurs enfants à pratiquer deux sports collectifs, un sport individuel, un instrument de musique et participer à un atelier théâtre pour une meilleure coordination. Nos gamins seront très forts en divertissement et épanouissement personnel. C’est tout le mal qu’on leur souhaite. Le lien entre la rue et la pratique sportive (autorisée ou non) est pourtant passionnant. Des contraintes de l’environnement naît l’expression d’une nouvelle forme de mobilité aurait pu écrire un technocrate du Ministère de la Culture. S’il suffit parfois d’apposer le mot « street » pour que tout de suite, ça sonne « hype », voir les street fishers, adeptes du « No Kill » et les street golfeurs, la rue a permis l’émergence de nouvelles disciplines. Je me moque, mais comme tous les enfants nés au début des années 70, j’ai été fasciné par le Bicross, le BMX pour les plus jeunes d’entre vous. J’attends qu’un historien de réputation mondiale se penche sur ce mouvement né en Californie dans la quasi-anarchie sans l’appui financier de grands groupes industriels, et sur ses figures mythiques, les artistes du Freestyle : Eddie Fiola, Bob Haro, Ron Wilkerson ou encore Mike Dominguez. Une culture urbaine belle à voir, ça existe !
Exposition « Sports, portrait d’une métropole » – Pavillon de l’Arsenal – jusqu’au 31 août 2014 – Entrée libre du mardi au samedi de 10 h 30 à 18 h 30 – le dimanche de 11 h à 18 h – 21, boulevard Morland 75 004 PARIS.
*Photo: Laurent Cipriani/AP/SIPA. AP21604108_000009
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