Contre le souverainisme


Contre le souverainisme

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Je lis je ne sais plus où, sur Causeur ou ailleurs, que les Grecs Indépendants, les alliés de Tsipras, sont « souverainistes ». Un mot cache-sexe qui recouvre tout et n’importe quoi, le meilleur et le pire. A y regarder de plus près, les Grecs Indépendants, c’est simplement un parti d’extrême droite, xénophobe et anti-immigrés. Mais concédons-leur qu’ils sont quand même beaucoup moins nazis qu’Aube Dorée. En tout cas en Grèce, c’est la dette qui est souveraine…

Le mot « souverainiste » est dans le vent tout comme le souverainisme. Il a les vertus d’un onguent miraculeux qui guérit les pires des maladies et, à coup sûr, les dissimule à merveille. Il est sexy. Souverainiste, cela fait fier et viril, comparé aux couilles molles de Bruxelles. Qui n’est pas souverainiste se voit aussitôt rangé dans la catégorie des dinosaures reconstitués au musée d’Histoire naturelle.

Un souverainiste ça peut être un Jean-Pierre Chevènement dont je n’oublie pas – car c’est à son honneur – qu’il fut l’un des fondateurs du CERES, un corps d’élite du PS vraiment ancré à gauche (les « frondeurs » à côté c’est pff…) que Mitterrand utilisa pour faire la peau à Rocard. Une souverainiste cela peut être aussi, hélas, Marine Le Pen qui aime Syriza et les Grecs Indépendants. Ça peut être, selon ses jours et ses humeurs, Emmanuel Todd. Et, comme lui par intermittence, un Michel Onfray. Tout n’est pas à jeter.

Mais le souverain des souverainistes s’appelle Vladimir Poutine. Il a prouvé son patriotisme et son rejet farouche de l’Europe de Bruxelles en rattachant la Crimée à la mère patrie et en mettant une partie de l’Ukraine sous tutelle russe.

Les souverainistes sont partout. À l’est, à l’ouest, au nord, au sud. Au Danemark, ils sont devenus le premier parti du pays. Ils ont en effet tout pour plaire : nationalistes d’extrême droite et xénophobes. Dans les autres pays scandinaves, leurs cousins progressent. Et en Flandre, le Vlaams Blok, identitaire et xénophobe, tient toujours la corde.

Du côté d’une certaine gauche et à l’extrême gauche, on s’arrange comme on peut avec ces compagnons de route plus bruns que rouges. Et dans ce but, on fait preuve d’une remarquable agilité langagière. Non, ils ne sont pas fascistes, xénophobes ou racistes : ils sont souverainistes ! Autant considérer – je sais, je force beaucoup le trait – Hitler, qui était socialiste (national) et qui voulait faire l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, comme un précurseur de Jacques Delors.

Tout cela me rend mélancolique. On va encore me traiter d' »européiste » alors que je n’ai qu’une capitale. Pas Bruxelles : Auschwitz. J’aimerais pourtant être souverainiste pour pouvoir batifoler avec les autres dans le bac à sable. Mais on ne se refait pas. Ma mère m’a toujours interdit de jouer avec n’importe qui. Pourtant je suis sûr que si elle vivait encore, elle cesserait d’être précautionneuse, me dirait de ne pas rester seul et d’aller faire mumuse avec les souverainistes tellement vivants et combattifs. J’en suis là. Boouuhh !

*Photo : wikicommons.



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est journaliste et essayiste

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