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La souveraineté numérique? Chiche, M. Le Maire!


La souveraineté numérique? Chiche, M. Le Maire!
Jean-Lin Lacapelle © D.R.

Une tribune libre de Jean-Lin Lacapelle, député français au Parlement européen


Lors de la formation du gouvernement, de la façon la plus inattendue, le terme « souveraineté » est venu s’insérer dans la titulature de deux ministres. M. Le Maire, particulièrement, est désormais ministre, en sus des Finances et du Budget, de la « Souveraineté industrielle et numérique ». Dans un ordre normal des choses, et notamment des affaires de la France, l’on ne pourrait que se féliciter d’une telle prise en compte. Mais, dans le mécanisme des illusions et des impostures propres à Emmanuel Macron, dont on sait la singulière appréciation des affaires publiques, il y a largement matière à demeurer circonspect, pour dire le moins.

La souveraineté, c’est en premier lieu la prise en compte de la primauté du choix du peuple, vu dans son ensemble. Et l’on ne peut ignorer, préalablement, que le peuple français est loin d’avoir accès à la pleine possession des instruments du numérique.

Le gouvernement pourra-t-il continuer d’ignorer la fracture numérique que subissent une partie importante des Français ? Qui peut encore méconnaître que 15% des Français ne disposent d’aucun moyen d’accès au monde numérique, et que 38% n’en n’ont qu’une maîtrise très rudimentaire, qui ne leur permet pas d’y avoir un accès véritable ? Il est vrai que la majeure partie de ces Français demeurent dans les zones rurales ou dans l’Outre-Mer, des territoires qui n’ont pas donné la majorité à Emmanuel Macron lors des dernières élections présidentielles… La première des souverainetés, je l’ai dit, consiste à prendre en compte l’intérêt du plus grand nombre des Français. On ne peut que douter que le gouvernement nouvellement installé ait cette préoccupation.

En matière de souveraineté, de manière générale, il y a tout lieu d’être défiant à l’égard du gouvernement actuel, lorsqu’on sait comment, depuis dix ans, Emmanuel Macron a passé son temps à passer la souveraineté nationale par pertes et profits, du calamiteux traité d’Aix-la-Chapelle au concept fumeux de « souveraineté européenne » – inconciliable, faut-il le souligner, avec la souveraineté nationale – en passant par le bradage programmé de nos fleurons industriels et technologiques.

L’irrésistible montée du numérique dans l’ensemble des domaines économiques, politiques et sociaux montre que les États sont désormais confrontés à un défi majeur quant à la pérennité même de leur souveraineté, face à l’avancée menaçante des GAFAM. Aujourd’hui, n’hésitons pas à le dire, parmi toutes les colonisations qu’il subit, notre pays endure de plein fouet celle des GAFAM, qui est des plus pernicieuses car des plus impalpables.

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La première fonction d’un État est, dans un contexte bien sûr de garantie des libertés individuelles, de connaître les initiatives de ses ressortissants qui pourraient revêtir un caractère infractionnel. Ceci devient particulièrement difficile dans le domaine du numérique. La France et, comme elle, l’ensemble des pays européens, ne disposent d’aucune entité comparable aux GAFAM, alors que la Chine, avec les BATX, a déjà commencé à développer un système alternatif.

Il faut également relever les faiblesses françaises et européennes en matière de cyberdéfense, une attaque informatique pouvant désormais s’avérer plus dommageable que le tir d’un missile. Autre exemple grave de l’asservissement de notre pays : la DGSE est dotée, depuis 2016, d’un logiciel de traitement des données produit par l’entreprise américaine Palantir, étroitement liée à la NSA.

Il est impératif et urgent de sortir de cet état de dépendance. Dans ce domaine, les solutions peuvent passer par un projet européen. Mais par une initiative qui, s’écartant de la mainmise fédéraliste et technocratique de la Commission européenne, s’appuie sur l’Europe des États et des coopérations intergouvernementales, celle des réussites industrielles et technologiques telles qu’Airbus et Ariane.

En premier lieu, il convient d’imposer que le traitement des données à caractère personnel soit obligatoirement réalisé sur le territoire d’un État européen, ou par des entreprises ayant véritablement un caractère européen au vu de la structuration de leur capital. Ce qui fait justement la force des GAFAM est leur capacité de collecte massive et frénétique des données. Il faut par conséquent couper leurs ressources à la source.

Il est également indispensable – mais cela participe de notre volonté de refonte totale du projet européen – de reconsidérer les procédures de contrôle des investissements étrangers en France et dans l’Union européenne. Il faut élargir de façon considérable la qualification d’« entreprise stratégique », afin de réduire drastiquement l’activité des GAFAM sur les territoires des pays européens.

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Dans le même mouvement, il faut se défaire du dogme – et parfois des conflits d’intérêts flagrants – observé au sein de la Commission, qui fait que l’institution bruxelloise s’oppose la plupart du temps aux concentrations industrielles et technologiques dans le cadre européen, mais laisse nos pays ouverts aux quatre vents de la concurrence extérieure destructrice de nos économies. Pour notre part, via la méthode des coopérations entre États, nous disons oui à des GAFAM européens.

Les GAFAM actuels, jaloux de leur puissance, à plus forte raison depuis leur croissance horizontale dans l’ensemble des services numériques, ne verront sans doute pas une telle concurrence émerger sans réagir. Ils ne se plieront pas non plus volontiers aux régulations sur le prélèvement des données que nous voulons leur imposer. Comme c’est par eux que passe l’essentiel de l’information médiatique et de l’expression des citoyens partout sur Terre, ils s’arrogent le pouvoir de censurer et de conformer le débat public à leur guise, par idéologie et par intérêt : il est certain qu’ils en abuseront. Leur réticence sera un des grands enjeux de souveraineté de ce siècle : alors même qu’ils s’estiment plus forts que les États, ce sera à ces derniers de rappeler où réside le principe de l’autorité, en agissant vite et fort, au besoin jusqu’au démantèlement.

Enfin, il faut dès à présent entrer dans une volonté affirmée de taxation des GAFAM sur le lieu d’implantation de leurs activités. Nous avons fait dans ce sens deux propositions concrètes : la création d’une taxe GAFAM européenne, qui viserait à contrer toute politique d’optimisation fiscale de la part de ceux-ci ; l’instauration d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, qui les obligerait à déclarer leurs bénéfices au niveau de l’UE, et les empêcherait ainsi de se soustraire à l’impôt dans plusieurs États membres.

Alors, M. Le Maire, attaquez-vous réellement à cette menace majeure pour nos libertés, notre sécurité, et pour ce qui est notre bien commun essentiel, notre souveraineté.

La souveraineté ne doit pas demeurer un vain mot ni un terme superfétatoire de plus dans les attributions d’un ministre. À ce ministre, je rappellerai ces paroles fortes du pape Jean-Paul II : « Veillez par tous les moyens sur cette souveraineté que possède chaque nation en vertu de sa propre culture. Protégez-la comme la prunelle de vos yeux pour l’avenir de la grande famille humaine ».



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Député français du Rassemblement national au Parlement européen. Membre de la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs.

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