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Soutien total à Mountazer al-Zaïdi


Soutien total à Mountazer al-Zaïdi

Total respect. Comme le monde entier, j’ai été scotché par le jet de chaussures de Mountazer al-Zaïdi. Du courage, de la classe, du sens : que demander de plus à un homme ? Un homme qui n’a pas hésité à risquer sa vie, non pas pour zigouiller banalement du mécréant, façon bombe humaine d’autobus, mais pour signifier son mépris. Il y a du soufflet gascon dans ce travail d’arabe, nos idées progressent, les enfants.

En projetant ses godasses sur l’homme le plus puissant de la planète, Mountazer al-Zaïdi a donc réussi là où des milliers de tueurs djihadistes abrutis avaient échoué : rendre sympathique à la planète entière le juste refus irakien de l’occupation américaine. On notera que cette situation, scandaleuse, n’était guère plus brillante du temps où l’Irak était occupé par les Irakiens : si c’était sur Saddam Hussein que Mountazer avait envoyé ses souliers, j’ai tendance à croire que ce dernier aurait réagi avec moins d’humour que George W.. Et qu’à l’heure qu’il est, notre vaillant confrère serait déjà mort et enterré, non sans avoir auparavant été dûment énucléé, émasculé et éviscéré par les spécialistes en relations humaines du Raïs. Néanmoins, on pensera aussi à remuer nos miches pour tirer ce chouette garçon des griffes de ses tortionnaires du moment. Notre superman national serait bien avisé de lui offrir l’asile politique en France. Si ce jet de souliers n’est pas politique, alors il faudra m’expliquer…

Je reviens sur le sens. Que la portée du geste n’ait échappé à personne, y compris pour ceux qui de Sidney à Trinidad ont entrevu les images sans le moindre commentaire, c’est déjà un exploit, mais ça Ben Laden l’avait déjà fait, et en mieux. Quant à l’arme du crime, c’est une autre paire, non pas de manches, mais de souliers. Les souliers qu’on ôte, parce qu’ontologiquement impurs, au seuil de la mosquée, certes. Mais surtout, dans la mémoire collective arabe, les chaussures renvoient aux mille défaites des glorieuses armées musulmanes, aux images enrageantes de prisonniers moustachus et déchaussés, et plus spécialement aux monceaux de rangers abandonnées dans le Sinaï en 1967 par les troupes d’élite nassériennes. Or par ce geste-là, ce seul geste-là, on est passé d’un seul coup d’un seul, de la rancœur ressassée, de la rumination régressive et du déni autodestructeur à la moquerie libératrice, au grand rire nietzschéen. Je serais israélien, je serais content de négocier avec des gens dans l’œil desquels je vois un peu de malice, un peu de défi, voire un peu de morgue, et plus seulement de la souffrance et de la haine…

Je l’ai déjà écrit ici, le plus détestable chez Oussama Ben Laden, c’est sa modernité. Sa formation universitaire de business engineering. Ce mass murderer rationnel et pragmatique se meut comme un poisson dans l’eau glacée du calcul égoïste, comme disait l’autre. Avec Mountazer al-Zaïdi, changement radical de la donne. Je ne sais pas si Al-Zaïdi a lu Retz ou Baudrillard. Je ne sais même pas s’il mesure la portée épistémologique de son propre geste. Mais il est bien évident que d’autres le feront pour lui. Qu’ils sauront mesurer le bond théorique entre destruction et déconstruction. Ils verront que la tentative de destruction à la Ben Laden renforce in fine l’ennemi supposé : les Twins seront reconstruites, et en mieux. En revanche on n’effacera pas comme ça les traces de la déconstruction moqueuse du mythe américain perpétrée par deux souliers voletant vers le président Bush. Mountazer a instillé le virus de la critique postmoderne dans l’Islam. C’est assurément la meilleure nouvelle de l’année.

Voilà pour les bonnes nouvelles. Passons maintenant aux moins joyeuses. Le problème, c’est que comme d’hab, pour marquer le coup, les Arabes vont se contenter de descendre dans la rue avec des grands portraits de Mountazer et de brûler quelques drapeaux américains ou israéliens. Et qu’ils resteront donc dans leur merde noire pour n’avoir pas compris que la seule chose à faire, ce n’est pas de le sanctifier, mais de l’imiter. De glisser leur pas dans ceux de ses pieds nus.

En écrivant ces lignes, je pense aux 25 millions d’habitants de ma ville natale, Le Caire, qui tous, j’en suis sûr, révèrent Mountazer, mais ne voient pas l’occasion extraordinaire qu’il leur a donné de sortir de leur enfer, de leur cauchemar même pas climatisé.

Amis cairotes, ôtez tous vos babouches, et jetez-les à la tête de vos flics ripoux, de vos fonctionnaires sangsues, de vos dirigeants nauséeux et fanfarons qui vous ridiculisent dans le monde entier.

Amis pédés du Caire, persécutés, déshonorés, violés dans des geôles insanes et en plus oubliés par Act Up et tous les faux-culs altergays du monde libre, déchaussez-vous et balancez vos mocassins à la face des ulémas tartuffes.

Allez vous rouler des pelles goulues sur les sofas de la pâtisserie Groppi et sur les pelouses de l’Université islamique Al Azhar !

Amies princesses d’Héliopolis jetez vos escarpins Sergio Rossi à la tronche de vos salopards de frères, d’oncles et de pères ! Autodafez vos hidjabs et vos jupes-culottes et descendez en string dans la rue ! Montrez vos corps de déesses, mes sœurs, et faites bander la rue arabe ! Que les muslims du monde entier bandent comme des Turcs ! Montrez-vos fesses pommelées et vos seins denses au peuple pour qu’il comprenne enfin qu’il n’a rien à perdre, et tout à gagner. C’est ainsi que commencent les révolutions.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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