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Sous la comédie, la vie !

Les politiques me touchent, parce qu'ils sont faillibles.


Sous la comédie, la vie !
Clementine Autain. Jacques Witt/SIPA 01092250_000073

Les politiques, les juges et les avocats sont tous faillibles. Faut-il les traiter toujours avec sévérité ou parfois avec une certaine indulgence ?


Sous le contingent, le nécessaire.

Sous le relatif, l’absolu.

Sous le partisan, la nature.

Sous le judiciaire, l’humain.

J’aime passionnément ces moments où la modernité sous toutes ses formes, les institutions avec leurs diverses facettes, la politique, les médias et la Justice par exemple, font surgir, derrière l’écume du quotidien, les joutes superficielles et les gravités de façade, l’éternité du genre humain, ses forces, ses faiblesses, ce contre quoi l’idéologie est impuissante, ce sur quoi se brisent les postures, les tactiques et les stratégies.

Si d’avoir lu toutes les chroniques d’audiences me donne un peu de légitimité, il y a eu dans le procès en appel des écoutes et des co-prévenus Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert – 3 ans avec sursis requis contre les trois -, des glissements, une bascule, qui ont métamorphosé la cause judiciaire, l’apologie technique en aventure humaine, en psychologie des profondeurs : pour confirmer la thèse de l’ancien président arguant d’une désinvolture de sa part dans les échanges avec son excellent avocat, celui-ci a été contraint, lui qui est tout intelligence et vigilance professionnelles, à jouer le rôle d’un « idiot » responsable, paraît-il, d’un malentendu avec Nicolas Sarkozy.

Sans convaincre d’ailleurs le ministère public pas plus que celui dont il avait épousé la version ne l’avait fait.

J’imagine à quel point la personnalité de Thierry Herzog, son estime de soi, sa susceptibilité et son souci des autres et de leur jugement ont dû être alors affectés par la dévastation, que sa fidélité lui a imposée, d’une réputation à laquelle il tenait plus que tout. Si Thierry Herzog ne savait pas ce qu’il vaut, si son orgueil sans arrogance ne lui permettait pas de supporter avanies, déboires et apparente humiliation, j’aurais estimé pathétique ce « chemin de croix » judiciaire. On avait quitté le fond du débat pour s’en prendre à des tréfonds infiniment sensibles.

Quelle que soit l’issue de l’appel.

A lire aussi : Bilger, pas fanatique de la notion de parité…

Sur un autre plan, comment ne pas percevoir que la fronde à LFI après la désignation de la nouvelle direction sans Adrien Quatennens, ne mobilise pas seulement au nom d’intérêts politiques, de rapports de force tactiques et d’influences pour le futur mais, plus profondément, à cause d’humiliations que le système mis en place a suscitées ?

Il y a probablement, de la part des personnalités rejetées – Eric Coquerel, Clémentine Autain, Raquel Garrido, Alexis Corbière et François Ruffin -, reléguées dans un comité politique de rattrapage mais exclues de la coordination dirigée par Manuel Bompard, la volonté de nous faire croire que leur irritation tient à la structure mise en place et à sa composition, à une question d’organisation, détachée de leurs ego respectifs ; mais qui sera dupe ?

Il n’est d’ailleurs pas inconcevable, pour au moins deux d’entre elles (Clémentine Autain et François Ruffin), que le dissentiment idéologique se conjugue avec le ressentiment humain et la colère intime. En effet l’une et l’autre peuvent légitimement expliquer leur ostracisme prétendument technique – être médiatisées ne donne pas tous les droits et faute d’avoir un secteur de compétence bien défini, la coordination n’aurait pas besoin d’elles, ce qui est rien moins qu’aimable ! – par le fait que Jean-Luc Mélenchon et son nouveau protégé ne les désiraient plus en pleine lumière. La réaction virulente de Mélenchon à l’encontre de Clémentine Autain en est une illustration sans équivoque.

Mais le sentiment d’abandon est aussi puissant qui doit mêler en ces intelligences et sensibilités qu’heureusement le dogmatisme sectaire n’a pas totalement étouffées, une opposition vindicative et un déchirement amical et personnel. Sans être sadique et aspirer à des humeurs sombres, j’apprécie que de l’humanité, ombres et lumières, élans du coeur, volonté d’être choisis, aimés, préférés, vienne non pas dégrader mais enrichir le paysage partisan.

A lire aussi : Bilger sur le livre de Castelnau: “je n’ai pas dénoncé le corporatisme des juges pour accepter une vision si peu complexe de la réalité judiciaire…”

Sans oublier le bouleversement des ambitions et et les orages de l’amitié engendrés par la mise à l’écart au moins temporaire d’Adrien Quatennens.

LFI n’est pas seulement la France insoumise mais aussi la France intime.

Jean-Luc Mélenchon, selon les meilleurs analystes, a l’ambition de revenir à la charge présidentielle en 2027 et à mon sens il mordra à nouveau la poussière – ce n’est pas son nom qui le bloquera mais la perception d’un tempérament éruptif et imprévisible ! – et il devra intégrer que ses soutiens d’hier n’auront sans doute pas effacé les offenses de l’existence, aujourd’hui.

Sous la comédie, la vie.

C’est sans doute à cause de cela que les politiques, les officiels, les importants, les ambitieux, les partisans suscitent parfois chez moi trop de bienveillance, d’indulgence quand ils s’égarent. Au lieu de considérer le doigt conjoncturel, je regarde la lune de toujours, profonde, immuable. Ils me touchent parce qu’ils sont faillibles.

Mais ils ne doivent pas en abuser.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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