Contrairement à ce qu’a prétendu Rokhaya Diallo dans Causeur, la France n’ostracise pas ses Noirs et ses Arabes. De l’entreprise aux tribunaux, ces minorités bénéficient au contraire de discriminations positives en tout genre. Une complaisance synonyme d’impunité envers certains délinquants. Extrait d’un livre en quête d’éditeur.
Chère Rokhaya Diallo,
J’ai bien reçu votre lettre ouverte aux lectrices et aux lecteurs du magazine Causeur parue dans le numéro de juillet, que j’ai lue avec attention. Je prends la liberté de vous répondre non pas au nom de tous les lecteurs, parce qu’à Causeur, nous ne sommes pas un parti, ni une assemblée de députés aux ordres, ni une communauté religieuse soumise à son prophète, ni une bande de racailles tenue par le respect (ou la trouille) du caïd, ni même un ramassis de Blancs qui veulent causer entre eux de leurs problèmes sans être dérangés par des Noirs. Je ne parle qu’en mon nom et si je vous réponds, c’est parce que je me reconnais parfaitement dans le portrait que vous dressez de nous. En effet, celui qui vous « met vertement en cause », qui vous accuse de « vous abreuver d’un racisme imaginaire » ou « de vouloir asseoir la domination des minorités pour mieux éradiquer les pauvres hommes blancs étouffés dans leur culpabilité », c’est moi. Nous ne sommes ni à Libération ni à L’Obs et je ne m’appelle pas Laurent « je n’ai jamais dit ça » Joffrin. Bref, je suis votre homme.
J’émets toutefois une réserve : je ne suis pas de ceux qui « honnissent votre personne », mais je suis déterminé à opposer à vos idées une résistance acharnée en les dénonçant pour ce qu’elles sont, fausses et étrangères, contraires à nos traditions et à notre idéal républicain et français. Je le ferai dans l’espoir que nos compatriotes les rejettent et les renvoient outre-Atlantique où elles sont nées, au pays des appartenances raciales et communautaires, des obsessions victimaires et revanchardes. Moi non plus je ne cherche pas à vous convaincre, mais j’espère bien vous défaire, vous disqualifier, non pas pour ce que vous êtes, mais pour ce que vous prêchez.
Pour dénoncer votre projet d’alignement de la France sur l’Amérique des campus, je ne reproduirai pas certains de vos propos en les tronquant comme vous le reprochez à certains d’entre nous. Je ne vous jugerai que sur pièces, sur la base de ce que contient votre lettre. Je vous ferai l’honneur de ne vous traiter ni comme une femme ni comme une Noire, mais comme une redoutable adversaire. Mais pas comme une ennemie : je ne vous confonds ni avec Assa, ni avec Houria.
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Mais, pardonnez-moi, je ne me pencherai pas, comme vous nous invitez à le faire, sur vos « recherches » et sur vos « travaux », non pas par paresse, mais par défiance. Moi qui devant l’université tombais à genoux, qui accueillais religieusement la parole savante, je n’ai plus confiance, j’ai perdu la foi. Quelques années à écouter la matinale de France Culture ou le « 28 minutes » d’Arte ont éveillé mon esprit critique et mon sens du discernement. J’ai trop souvent entendu des chercheurs dans le sens du vent et de l’histoire nous affirmer la main sur le classeur épais de leurs « recherches » et « travaux » qu’il n’y a pas plus d’immigrés aujourd’hui qu’hier et que l’immigration est une chance et une nécessité pour la France, que l’intégration se passe bien, que la délinquance des jeunes est en baisse, qu’à l’école le niveau monte et que la domination est masculine. Désolé pour vos « recherches » et « travaux », mais je n’écoute plus ces scientifiques engagés qui ont des lunettes qui regardent ailleurs, des jumelles qui regardent ailleurs, des microscopes qui regardent ailleurs, des caméras qui filment ailleurs. Non pas parce que ça ne m’arrange pas, mais parce que ça ne colle pas. Il suffit de superposer ce que disent leurs « recherches » et leurs « travaux » sur le réel vu, entendu, lu, vécu partout ailleurs et tout le temps pour voir au premier coup d’œil que ça ne correspond pas, que quelque chose cloche, qu’il y a un loup. Le sociologue relativiste, le philosophe marxiste, le pédagogue pédagogiste, l’économiste immigrationniste, le criminologue excusiste, l’épidémiologiste sans-frontiériste, le démographe optimiste, l’historien illusionniste, pour moi, c’est terminé. Tous ces docteurs ès vivre-ensemble ont réussi à me persuader qu’ils cherchaient moins la vérité qu’un nouveau moyen de contredire Marine Le Pen. Au nom du bien, tous ces Lyssenko pétitionnaires d’aujourd’hui ont perdu la raison en prenant des libertés avec la méthode. Or des chercheurs sans méthode, sans cette astreinte à l’honnêteté intellectuelle, ne sont plus des scientifiques sérieux. Voilà pourquoi à présent, je me fie plus à mon voisin qu’à Éric Fassin. Ne nous racontez pas d’histoires Rokhaya, vous n’avez pas plus d’honnêteté et de méthode que ces gens-là, alors redescendez s’il vous plaît de ce tabouret que vous appelez vos « recherches » et « travaux » pour nous regarder de haut. Vous êtes une militante, une idéologue. Vous avez une vision du monde, un idéal et un projet pour notre société. Moi aussi. Laissons la science à plus humbles que nous, et à plus sérieux que nous.
À présent qu’entre nous la glace est rompue et les préliminaires passés, entrons dans le vif de nos sujets. Je persiste à vous accuser de vous abreuver d’un racisme imaginaire et c’est parce que vous nous invitez à nous astreindre à un minimum de discipline intellectuelle que je vous renvoie le compliment. Manifestement, en vous fondant sur des études qui attestent que les jeunes hommes perçus comme noirs et arabes sont 20 fois plus contrôlés que les autres Français, vous en déduisez que le choix des policiers est racial (ou raciste). N’allez-vous pas un peu vite en besogne là où vous voulez aller ? Cette enquête ne manque-t-elle pas un peu de rigueur ou ses conclusions d’honnêteté ?
Un reportage diffusé à la télévision sur les contrôles au faciès donnait un jour dans le cadre d’un micro-trottoir la parole à un homme, habitant d’Évry, adulte et honnête ou perçu comme tel par sa tenue et son attitude, et noir, qui expliquait au journaliste qu’en réalité, la police de contrôlait pas tous les Noirs ni n’importe quels Noirs, mais une petite minorité d’entre eux bien visibles, mais pas par la couleur de leur peau. Il précisait que les policiers ne portaient pas leur attention sur les Noirs en costume ou sur les Arabes en tenue de travail, mais sur les Noirs à capuches ou les Arabes aux casquettes à l’envers. La police, comme tous les professionnels de la sécurité, les vigiles des magasins, les videurs des boîtes de nuit, les agents dans les transports, surveille en particulier les jeunes qui ont choisi par leur accoutrement et leur comportement (pour faire court, la « j’m’en bats les couilles attitude ») de ressembler étrangement à ceux qui leur donnent du fil à retordre un peu trop souvent. Votre militantisme ne veut pas voir cette réalité simple : ces contrôles et ces surveillances ne relèvent pas du racisme, mais du profilage, cette technique policière de croisement d’indices et de connaissances pour cerner des personnalités probablement plus délinquantes ou criminelles que d’autres. Cette réalité a décidément beaucoup de mal à trouver sa place dans l’équation sans inconnue de l’antiracisme qui veut que Contrôles + Noirs ou Arabes = Racisme. Ces pauvres petites victimes, en panoplies de délinquants, de réels et incontestables acharnements de policiers, vigiles ou videurs ressemblent comme des clones à ceux qui parlent fort au cinéma, qui passent devant vous quand vous faites la queue, qui posent leurs pieds sur les banquettes du métro, qui fument dans le train, qui voyagent sans payer, qui restent assis alors que des vieux sont debout, qui taguent les murs des villes, qui vous demandent agressivement « une clope » en vous croisant, qui vous forcent à descendre du trottoir, qui réveillent tout un quartier en passant dans les rues avec leurs motos ou mobylettes bruyantes, qui font des « rodéos » en pleine nuit avec des voitures volées, qui insultent leur professeur, qui crachent sur les trottoirs, qui ouvrent les bornes à incendie de la ville, qui brûlent des voitures ou le drapeau français, qui insultent ou attaquent les policiers, qui arrachent les sacs des vieilles dames, qui traitent les filles de putes quand elles ne donnent pas leur « 0-6 », qui les violent dans des caves, qui frappent des pédés, qui tabassent à mort un homme qui photographie un lampadaire ou un chauffeur de bus qui fait son travail, qui torturent un Juif pour rançonner ses parents, qui poignardent et égorgent des jeunes femmes dans la rue, qui foncent en voiture sur des passants, qui assassinent des caricaturistes, qui mitraillent au Bataclan et aux terrasses des cafés, qui tuent des enfants dans leurs écoles ou des vieilles femmes chez elles, qui égorgent un prêtre dans son église, qui écrasent des familles à Nice, qui prennent les armes contre la France, et qui, par dizaines de milliers et dans l’anonymat des réseaux sociaux, sont « Kouachi » quand d’autres sont « Charlie » ou qui menacent une lycéenne blasphématrice de viol et d’égorgement[tooltips content= »Ce passage est très étroitement inspiré d’un texte de Georges de la Fuly, « Pas grave », lu page 483 dans le Journal 2017 de Renaud Camus, « Juste avant après ». »](1)[/tooltips].
Voilà, chère Rokhaya, qui sont les modèles, les héros, les frères et les cousins de ces jeunes victimes d’un racisme fantasmé, ces voleurs, ces violeurs et ces assassins qui sont parmi nous et que l’antiracisme nous empêche de montrer du doigt, de stigmatiser, les mêmes que ceux pour qui vous voudriez que l’on s’indigne parce qu’ils sont contrôlés plus que les autres. Si vous voulez mon avis, et je pense qu’il est largement partagé, le problème n’est pas que la police les contrôle, mais que la justice ne soit pas foutue de les empêcher de nuire, de nous protéger de ceux qui arrachent les colliers de nos mères et de nos grand-mères, à nous autres Blancs, car on voit rarement des vieilles dames voilées ou en boubou traînées sur plusieurs mètres pour quelques euros et finir leur vie à l’hôpital pour une fracture du fémur, et ce, sans que l’on vous entende dénoncer une délinquance raciste. Et c’est dans cette France à la criminalité explosive, cette « France Orange mécanique » pour reprendre la formule de Laurent Obertone, cette France où les prisons sont noires de « jeunes » que vous allez de média en média dénoncer le racisme imaginaire du contrôle au faciès. Comprenez-vous que cela agace ? Si j’étais vous Rokhaya, si j’étais noir et français, je n’accuserais pas mon pays de contrôler les mêmes « jeunes » 20 fois par jour, soi-disant, je lui demanderais pourquoi il ne les neutralise pas une fois pour toutes. Alors quand vous répétez qu’il y a un problème de racisme en France, je vous réponds que nous avons plutôt un problème d’antiracisme.
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Vous évoquez également dans votre lettre les discriminations à l’embauche. Parlons-en, mais parlons-en sérieusement et complètement. Une étude que je ne vous ai jamais entendu mentionner révélait il y a quelques années qu’avec des CV anonymes, les candidatures de personnes d’origine africaine ou magrébine étaient moins retenues que lorsque leurs noms apparaissaient. Autrement dit, contrairement aux idées répandues par des années de propagande antiraciste, les Noirs et les Arabes ne sont pas victimes de discriminations, ils en bénéficient, à la fois dans les grandes entreprises privées, très soucieuses de montrer patte blanche et de conformer leur image aux doctrines de l’époque comme aux chartes de la diversité, mais également dans les postes de la fonction publique. Avez-vous remarqué comme tout le monde la couleur de nombreux employés des services publics ? Êtes-vous entrée récemment dans un hôpital, dans un bureau de poste, dans une crèche ou dans une école ? Avez-vous bien regardé ceux qui gardent les musées, les squares, les fourrières, qui nous collent des PV ? C’est à se demander si notre État si providentiel ne se serait pas mis en tête d’accueillir au sein maternel de la fonction publique tous ceux dont les entreprises libres d’embaucher ne veulent pas.
Laissez-moi à présent vous parler de mon expérience de la discrimination à l’embauche. Artisan menuisier, j’ai été souvent sollicité par la mission locale pour prendre un jeune en apprentissage. Un jour, j’ai dit « O.K. » et un type est venu à mon atelier me présenter un jeune homme noir. À la fin de l’entretien, pendant lequel l’adolescent n’avait manifesté aucun intérêt ni pour le bois ni pour le travail en général, se tenant les bras croisés et le menton haut à la Malcolm X, mais les ados sont parfois un peu avares de signes extérieurs de motivation, j’acceptais quand même de faire un essai. L’éducateur se tourna alors vers le jeune pour une dernière recommandation : « Si tu as un problème, tu viens m’en parler, tu ne frappes pas ton patron, on est bien d’accord ? » Croyez-vous que c’est à cause de sa couleur que je ne l’ai pas pris ? Quel patron de petite entreprise, quel artisan a envie de prendre le risque d’en venir aux mains avec un employé pour un litige ou une contrariété ? Qui veut faire de la politique ou de l’antiracisme avec son outil de travail ? Vous ? Je vous l’apprends peut-être, mais en réalité et dans le monde du travail, la couleur des jeunes, tout le monde s’en fout, sauf vous, mais ça ne leur rend pas service.
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