Dans Bal tragique au Front national, il n’y a qu’un mort: la confiance de Sophie Montel dans un parti auquel elle aura consacré trente ans de sa vie. L’ex-conseillère régionale du FN ne règle ses comptes qu’avec elle-même. Et se fait la fidèle représentante d’une PME familiale qui semble n’avoir jamais vraiment voulu gouverner.
Nous l’avions annoncé dans ces colonnes il y a un peu plus d’un an. Sophie Montel avait entrepris la rédaction d’un livre sur sa désillusion mariniste et « elle s’amusait terriblement ». Lorsqu’elle s’est fait débarquer de sa présidence de groupe au Conseil régional par Marine Le Pen ou quand elle a divorcé politiquement d’avec Florian Philippot, c’est aussi à nous qu’elle s’était confiée longuement, à la faveur d’une proximité géographique franc-comtoise.
L’ancienne patronne régionale du FN, nous avons donc appris à la connaître ces dernières années. Et il nous était impossible de faire l’impasse sur Bal tragique au Front national en librairie depuis ce mercredi.
Sophie Montel, le « petit soldat » qui aurait dû le rester
Montel nous le dit en introduction : ce livre n’est « pas un règlement de compte mais un solde de tout compte ». Solde de tout compte, pourquoi pas ? Mais on aurait du mal à écarter aussi facilement la première hypothèse. Sophie Montel a un compte à régler. Pas avec Marine Le Pen. Pas avec le FN. Pas avec Florian Philippot. Non, avec elle-même. Avec la jeune Sophie Montel, qui ne voyait rien jusqu’à sa promotion au bureau politique au début des années 2000. « Le petit soldat » qui aurait dû le demeurer, selon Jean-Marie Le Pen lui-même. « Petit soldat », elle se plaisait. Avec les militants, l’odeur de la colle, la sensation d’être la cible du Système. Sophie Montel a aussi un compte à régler avec celle qui découvre l’envers du décor, à Montretout, ses taches de vin sur les tapis, dans les commissions d’investiture où on désigne des candidats qu’on sait incompétents et peu présentables, et où ce qu’on aime par dessus tout, c’est le fric et les prébendes. On y reviendra.
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Sophie Montel a un compte à régler avec celle qui croit que Marine Le Pen va rompre avec cette idée de quitter le confort d’opposant, de diable du Système, pour accéder au pouvoir, au nom d’un idéal qu’elle touche enfin du doigt : le souverainisme. Enfin, Sophie Montel a un compte à régler avec celle qui – rompant avec la patronne du FN – se cale dans les roues de Florian Philippot, ce « Peter Pan » de la politique.
Employée de la PME familiale
C’est avec toutes ces Sophie successives que Montel a un compte à régler. Elle aurait pu nous épargner certains détails, et ne pas prendre le parti de l’écrire un peu comme elle l’aurait restitué à l’oral. Mais c’est un peu la maladie des politiques qui se mettent à l’écriture. Et c’était son choix.
Nous n’avons pas été surpris, en fait. Nous pressentions ce qu’elle nous dit de Marine Le Pen. Cette incapacité à asseoir une autorité naturelle, cette tendance à passer d’un gourou à l’autre, cette propension à brûler froidement ce qu’elle a adoré, ce malin plaisir à dégoûter ceux qui ont cru en elle. Sophie Montel nous le dit et nous la croyons d’autant plus que nous avons fait nous aussi cette analyse depuis des mois : à l’image de son père, Marine Le Pen n’a pas vraiment l’intention d’accéder à l’Elysée. Ce qui compte, c’est la préservation de la PME familiale.
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Philippe Cohen et Pierre Péan nous l’avaient expliqué dans leur biographie du Menhir : le fric prend une place centrale dans cette saga familiale. Le livre avait fait scandale. L’anti-lepénisme officiel avait sonné la charge contre les auteurs. Philippe Cohen avait été attaqué violemment dans son propre journal. Et Jean-Marie Le Pen leur avait envoyé du papier bleu. Pour être attaqués de concert par Maurice Szafran et le patriarche de Montretout, Cohen et Péan devaient bien avoir trouvé le point sensible. Cette fois, c’est une ex du FN, membre de 1987 à 2017, qui vend la mèche. Ce n’est pas le moindre mérite de Montel de le raconter par le menu.
Le jour où Sophie Montel a eu peur de gagner
En décembre 2015, nous expliquions comment celle qui briguait la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, et se trouvait être au soir du premier tour à la tête de la liste FN la mieux placée de France pour l’emporter le dimanche suivant, avait en fait refusé l’obstacle, et cette présidence dont elle ne voulait pas vraiment. A la parution de l’article, ses soutiens nous avaient morigéné, jurant leurs grands dieux que jamais « Sophie » n’aurait pu avoir une telle attitude. Elle, n’avait pas bougé un cil. Dans Bal tragique au Front national, elle assume ouvertement avoir procédé ainsi. Ne pas être présidente à la tête d’une majorité régionale peuplée de « bras cassés », quel soulagement !
C’est là que nous pourrions lui reprocher à notre tour d’avoir trahi l’espoir de ses électeurs. Elle nous répondrait que ce n’était pas les trahir que d’acter qu’elle n’était pas en mesure d’être à la hauteur de leurs espérances. Nous rétorquerions alors : pourquoi le reprocher à Jean-Marie et Marine Le Pen ? Et elle arborerait un léger sourire.
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