« La Boum éternelle », le documentaire inédit signé Céline Chassé et Julie Peyrard sera diffusé ce vendredi soir à 21h sur France 5
On connaît tous la chanson. Pinoteau à la caméra, Thompson au scénario. Vladimir pianote trois notes sur son clavier. Sanderson pousse les aigus dans le « realizzzze ». Poupette en fait des caisses au volant de sa Renault 5. Robert Dalban a enfilé un costume de serveur à la Coupole. Ce soir, sous la pluie, le Grand Hôtel de Cabourg n’attend pas la visite de Marcel P. mais de Sophie M. Autour du lycée Henri IV, à l’ombre du Panthéon, les garçons enfourchent des mobs et les filles portent des tee-shirts à l’effigie de « Mickey Mouse ». Le prof d’allemand est un ancien matelot à la gueule d’ange et au tempérament bagarreur. À Paris, tous les dentistes roulent en Matra Rancho et les illustratrices de presse ressemblent à Ingrid Bergman dans Casablanca. Les maîtresses, un peu vulgaires, un peu garces, tiennent des parfumeries dans les Yvelines, bien au-delà du périphérique. Pour la Gaumont, il s’agit juste d’un petit budget, un tournage d’été avec des ados débutants choisis sur casting. Les rêves de box-office vont devenir la réalité commerciale de cette année 1980. 35 semaines en salles après un démarrage plutôt anémique, le mercredi de la sortie et puis, c’est la chamade, dès le jeudi, l’amour fou qui ne s’est jamais démenti depuis plus de quarante ans. Des fans, des nostalgiques, des romantiques, une foule sentimentale qui préfèrent la famille Beretton à Tonton ou à Macron. Peut-être, le dernier refuge avant la mondialisation, un dernier slow avant de se dire adieu. Un succès qui tient à une somme d’ingrédients anodins sur le papier. Aucun message politique subliminal, aucune réalité sociale culpabilisante, aucune misère achélème, aucune violence conjugale, à peine une gifle, seulement un carré désarmant, des vacances à la neige, un joli minois venu de banlieue, un naturel déchirant, une douceur bourgeoise presque angevine, une apprentie-danseuse en manque d’amour paternel, une rouquine avec un air poulbot, des patins à roulettes, une innocuité réconfortante, un horizon seulement chahuté par les soubresauts du cœur. Le public valide les incertitudes des « années collège », des copies s’exportent dans le monde entier et La Boum s’installe, grâce à ses multiples rediffusions télévisuelles, comme une borne temporelle, un totem multigénérationnel, une catéchèse pop-corn, un idéal républicain ? Vic de Gentilly entre alors dans nos vies.
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Le documentaire de France 5 sous-titré « Histoire d’un film sans prétention » revient sur la genèse et l’onde nostalgique que La Boum continue de propager sur nos consciences. Juliette Armanet, née en 1984, dit des choses intelligentes sur le pouvoir de la musique et l’harmonie des corps, la jeune Mona crève l’écran par la fraîcheur et la profondeur de ses paroles, tout le monde communie et regrette le temps béni de ce « teen-movie » désuet et si pénétrant. Pourquoi cet attachement ridicule et pathétique à un long-métrage inoffensif qui ne brille ni par la sophistication de son histoire, ni par l’originalité de sa mise en scène ? Parce que « Reality » agit comme une madeleine de Proust, les larmes vous montent sans que vous puissiez freiner leur flot ; parce que Claude Brasseur et Brigitte Fossey furent les chantres d’une certaine élégance française, à la limite du vaudeville, tout en conservant de belles manières, François Beretton en frivole inquiet, sorte de Woody Allen plus charpenté et noceur que son homologue américain ne pouvant résister au charme d’une Françoise Beretton, clone de Claire Bretécher en plus sage et aristo, à la lisière de la fêlure distinguée ; parce que les rues de Paris avaient encore leurs murs enduits de suie, la couleur fatiguée du vieux monde qui sied aux grandes dames ; parce qu’on lisait des journaux papier aux terrasses des cafés ; parce que le Walkman de Sony fut l’un des plus beaux objets inventés au XXème siècle ; parce que Patrick Besson écrivit le roman de La Boum (existe en format poche dans la collection « J’ai lu » / Numéro 1504) ; parce qu’on pouvait commander une bouteille de Ladoucette au déjeuner sans passer pour un alcoolique ; parce qu’on avait 40 ans de moins.
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