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Sondages: Kamala ramollo

À l’approche du scrutin, les sueurs froides de la reine du bal…


Sondages: Kamala ramollo
Atlanta, 19 octobre 2024 © CNP/NEWSCOM/SIPA

Et si Trump était finalement en train de remporter l’élection présidentielle américaine ? À 15 jours du vote, les sondeurs ne parviennent plus à départager les candidats. Harris apparait comme une candidate vague (dans son programme) et… sans vague (dans les intentions de vote).


Alors que la campagne touche à sa fin, Kamala Harris et Donald Trump sont au coude-à-coude dans les derniers sondages. Harris peine à redresser la barre dans les États-clés, tandis que Trump, porté par la fidélité de sa base et quelques succès inattendus, avance avec une étonnante sérénité. La perspective d’une surprise d’octobre ajoute à l’incertitude, mais ce scrutin se jouera probablement sur la capacité des candidats à saisir les dernières opportunités. Une chose est sûre: rien n’est encore joué.

La fin de la Kamalamania 

Kamala Harris a débuté sa campagne avec des attentes élevées, notamment après un débat jugé solide face à Donald Trump, où elle a su captiver l’audience et a surpris les observateurs. En septembre, un sondage CNN affirmait que 63% des téléspectateurs jugeaient qu’Harris avait remporté le débat face à Trump. Cependant, l’enthousiasme a rapidement faibli. Ses derniers discours et interventions médiatiques, loin de galvaniser, ont suscité des critiques. Ce fut le cas lors de son interview dans l’émission  60 minutes, où elle s’est montrée incapable de parler de sa politique d’immigration, ou lors de l’émission The View, où elle a ouvertement déclaré qu’elle aurait tout fait comme Biden. Le manque de clarté sur sa vision politique sur les questions de fond la décrédibilise face à un électorat qui attend des mesures fortes sur l’économie et l’immigration. Ajoutons à cela son absence de stratégie sur la politique internationale, notamment avec le conflit au Moyen-Orient. Bien que sa position mesurée sur Israël soit saluée par les modérés, elle déçoit une frange progressiste du Parti démocrate, qui demande l’arrêt du soutien inconditionnel à Netanyahou. Cet équilibre fragile entre différents courants du parti nuit à sa capacité à fédérer et séduire les indécis, à un moment où chaque voix compte.

Les sondages sont implacables : Harris perd du terrain dans les États-clés tels que le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, ces mêmes États qui ont assuré la victoire de Joe Biden en 2020. Dans certaines enquêtes, Harris se retrouve désormais devancée par Donald Trump, une situation qui alarme les stratèges démocrates. En trois semaines, l’avance moyenne de Harris dans ces états du Blue Wall est passée de plus de deux points à moins d’un point. Le problème est double pour Harris. D’une part, elle ne parvient pas à séduire les indécis et  d’autre part son programme reste trop flou pour réellement capter l’attention d’un électorat qui ressent de la rage contre l’establishment ou de la méfiance à l’égard d’un système jugé fermé. Les démocrates, conscients de l’urgence, cherchent une stratégie de redressement, mais le temps est compté.

Trump avance sans fléchir

Pendant que Harris s’essouffle, Trump, lui, maintient le cap. Sa base lui est fidèle, et ses résultats dans les enquêtes d’opinion, bien que stables, lui donnent un avantage stratégique. Contrairement à Harris, Trump n’a pas besoin de séduire de nouvelles catégories d’électeurs. Il concentre son énergie sur les indécis, en particulier dans les États-clés, où sa campagne martèle des messages simples : sécurité nationale, lutte contre l’immigration  illégale, reprise économique et soutien inconditionnel à Israël. Sa stratégie est claire : éviter les dérapages, maintenir le soutien de ses fidèles et grappiller des voix là où il le peut. Sa position ferme sur les questions internationales, notamment son soutien sans faille à Israël et son souhait d’en finir avec la guerre en Ukraine, lui confère un avantage net face à Harris, qui doit jongler avec des électorats plus divisés et un scepticisme grandissant.

Malgré une série de démêlés judiciaires et alors que la moindre de ses déclarations est passée au peigne fin par les Fact Checkers médiatiques, Trump se montre étonnamment résilient. Contrairement à ses précédentes campagnes, où les scandales éclataient sans cesse, cette fois-ci, il semble mieux contrôler son image et ce sont ses lieutenants qui font le sale boulot. Ses apparitions publiques sont marquées par une maîtrise inhabituelle, ce qui lui permet d’éviter les erreurs qui auraient pu lui coûter des voix. Plus surprenant encore, Trump gagne du terrain là où on l’attendait le moins. Il est en pleine bourre auprès des minorités, il séduit de plus en plus les hommes hispaniques et afro-américains. Un sondage USA Today/Suffolk University publié début octobre a montré que dans l’État de l’Arizona, 51 % des hommes latinos âgés de 18 à 34 ans soutiennent Trump, tandis que 39 % soutiennent Harris. Ajoutons à cela l’accueil favorable qui lui fut réservé à Coachella en Californie, bastion démocrate, le weekend dernier, ce qui démontre qu’il parvient à séduire des groupes autrefois réticents. 

Le sprint final et l’ombre d’une surprise d’octobre

À mesure que l’élection approche, la crainte d’une « surprise d’octobre » plane. Ces événements inattendus, capables de faire basculer une campagne, sont devenus un cliché de la politique américaine. De l’affaire Iran-Contra en 1992 aux e-mails de Clinton en 2016, ces révélations de dernière minute ont souvent marqué l’histoire des élections présidentielles américaines. Cette année, la crise au Moyen-Orient pourrait bien jouer ce rôle. Une escalade des tensions forcerait Harris à clarifier sa position sur Israël, ce qui pourrait séduire les centristes, car elle devrait alors soutenir l’État hébreu, mais risquerait d’aliéner la gauche progressiste et l’électorat arabo-américain… De même, de nouvelles révélations judiciaires concernant Trump ou des dérapages de ce dernier pourraient bouleverser l’équilibre fragile de la course. 

Pour certains, la campagne a déjà connu ses « surprises d’octobre ». Entre le retrait controversé et très commenté de Joe Biden de la course présidentielle en juillet et les affaires judiciaires de Trump, les rebondissements n’ont pas manqué. Et pourtant, l’élection reste indécise, chaque candidat peinant à creuser l’écart dans les sondages. Malgré le chaos, cette élection semble destinée à se jouer sur le fil. L’électorat américain, désormais habitué aux scandales et aux révélations de dernière minute, pourrait bien finalement se concentrer sur les enjeux concrets : l’économie, la santé, l’immigration et la sécurité nationale. La capacité des candidats à inspirer confiance dans ces domaines sera déterminante dans cette dernière ligne droite.




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Pierre Clairé est directeur adjoint des Etudes du Millénaire Sean Scull, est analyste international au Millénaire

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