Antonius Moonen publie Snob éternel, un guide pratique des usages funéraires aux éditions «Le Chat Rouge».
Vivre est à la portée de n’importe quel quidam. Savoir mourir, en revanche, demande dignité et une forme de détachement qui ne s’acquiert pas si aisément. La mort intimide, rend à la fois perplexe et un peu bête. Elle vous cueille un matin au saut du lit ou à la suite d’une longue maladie, que vous vous y soyez préparé longtemps à l’avance ou pas, elle laisse coi. Croyez-moi, c’est une chose qui arrive bien assez vite et communément admise pour la prendre avec une certaine hauteur de vue et un sourire en coin.
C’est même l’œuvre d’une vie entière que de disparaître sans accabler ses proches, tout en se rappelant à leur bon souvenir par une plaisante singularité. En toute circonstance, du berceau au trépas, le snob se doit de respecter des bonnes manières et un code d’honneur, se plier à un protocole particulier et à une bienséance fortement malmenée aujourd’hui par nos élites barbares, refuser le commun et le trivial, s’extraire des masses et effectuer le grand saut dans l’inconnu avec flambe et morgue, ne surtout pas gêner ses contemporains. Certaines fautes de goût dans le choix du faire-part, de l’épitaphe, du corbillard ou du caveau sont impardonnables pour l’homme qui s’est obligé à vivre supérieurement durant des décennies. La mort ne changera rien à ce programme, elle vient juste clore une existence portée par l’exigence morale et vestimentaire, le souci du détail et une esthétisation du quotidien. Tant de gens meurent dans l’indifférence et la banalité, parfois même dans d’extrêmes souffrances et d’inextricables soucis financiers.
A lire aussi: Pierre Robin, apôtre du contre-cool
Guide cocasse et guindé
Tout ça manque cruellement de courtoisie et d’ampleur. Antonius Moonen, né en 1956 aux Pays-Bas, déjà l’auteur du Petit bréviaire du snobisme en 2010 et du non moins estimable Manuel de savoir-vivre à l’usage des maîtres et maîtresses de chien en 2011 continue son travail d’évangélisation, tout en pratiquant un humour noir et un second degré salvateur dans une époque craintive. Cette fois-ci, il vient d’écrire Snob éternel aux éditions « Le Chat Rouge », maison qui publie depuis une vingtaine d’années des ouvrages précieux et décalés, sorte de cabinet de curiosités pour fins lettrés et dandys compulsifs. Les amateurs de raretés décomplexées et étranges connaissent la richesse de leur catalogue qui a notamment réédité La Comédie de la Mort de Théophile Gautier ou Les Poètes maudits de Paul Verlaine. Dès sa préface, Antonius Moonen prévient le lecteur: « Le snobisme funéraire est vieux comme le monde comme nous révèlent les fouilles à Stonehenge (cimetière de la jet-set locale de l’âge du bronze), le Taj Mahal, les catacombes parisiennes et la Vallée des Rois en Égypte, les collections d’art funèbre des musées et les nombreux mausolées occupés par des célébrités ». Alors, comment concilier la mort qu’il qualifie de « scandaleusement républicaine » et d’« excessivement répandue » avec le snobisme ? « La démocratie et la popularité sont de loin les plus redoutables et méprisants des assassins de snobisme » avance-t-il. Ce guide cocasse et guindé, persifleur et didactique vous apprendra à éviter les pièges d’une mort standardisée comme la culture des tomates sous serres. Le thuriféraire avertit « être bien né ne suffit plus : il faut également être bien décédé ». Son abécédaire court d’Absoute à Zombie.
A lire aussi: Ma nuit chez Helmut Berger
Bienvenue chez Borniol
J’avais oublié la signification du mot « Borniol » qui s’apparente à une « lourde tenture noire que l’on tend à l’entrée d’une maison en deuil, au portique d’une église ou autour d’un catafalque ». L’amateur de voitures que je suis, a toujours eu un faible pour les corbillards, notamment les transformations des carrossiers sur des bases de Bentley et Rolls-Royce, l’auteur rappelle que « jadis il s’agissait d’un véhicule hippomobile » que l’on pouvait « embellir d’accessoires religieux, de draperies, de fleurs et de lanternes ».
L’auteur s’attarde sur des points techniques comme une mort survenue à l’étranger et la nécessité de rapatrier la dépouille, mais aussi quel « dress-code » adopter ? « L’étiquette conseille de retirer tous les bijoux, sauf l’alliance », écrit-il. Et qu’en est-il des vêtements de deuil pour votre veuve, par exemple ? « Même dans les régions les plus conservatrices, on accepte aujourd’hui l’abandon plus rapide des vêtements de deuil. On considère qu’au bout de six mois, la vie normale peut reprendre son cours ».
Snob éternel de Antonius Moonen – Le Chat Rouge
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !