La vente du «Sniffy», cette poudre blanche énergisante à inhaler par le nez, indigne. Mais, d’autres produits équivoques sont commercialisés chez nos buralistes, et ne provoquent pas autant de commentaires. Après le tollé, l’industriel derrière «Sniffy» songe finalement à proposer une version à diluer dans un verre d’eau.
La vente en bureau de tabac de « Sniffy », poudre blanche « énergisante » à inhaler, véritable Canada Dry de la cocaïne, a suscité l’émoi de la presse et des autorités. Bien que composée de produits légaux (caféine, taurine, créatine, maltodextrine et d’autres substances en « ine »), c’est bien sûr son rituel de consommation qui alerte tout adulte responsable – l’aspiration nasale au moyen d’une paille aimablement fournie par Sniffy et tous ses amis – ça ne vous rappelle rien ? Lutter contre le tabagisme, mais consentir à cette initiation cocaïnomaniaque, à l’heure où la coke s’impose dans tous les milieux, est-ce tolérable ? À quand « Héroincola » avec un kit seringue et Coca Zéro ?
Ce n’est pourtant pas la cohérence qui étouffe l’administration française (étonnant, hein ?), car on trouve désormais chez nos buralistes des sachets d’herbe qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la « ganjah » des coffee-shops hollandais. Certes, le chanvre que recèlent ces paquets est dépourvu de THC, mais ne propose qu’aux fumeurs un ersatz riche uniquement de CBD. En termes de rituel de consommation, le cousinage avec le roulage de pétard n’en demeure pas moins évident. Alors, pourquoi pas Sniffy et sa paille ? Pour avoir une vision complète de la schizophrénie des autorités compétentes, on se souviendra de l’interdiction des… cigarettes en chocolat, dont le rituel (autant qu’il m’en souvienne) n’était guère comparable à celui de l’initiatique Gauloise sans filtre. À 10 ans, il ne me serait pas venu à l’esprit de mettre le feu au chocolat, ni de tenter de l’inhaler.
Derrière tous ces risibles errements se cache une question essentielle : la survie des bars-tabac-presse-PMU-Loto qui maillent – de moins en moins – le territoire. Tout ce qu’ils vendent se révèle mauvais pour la santé ou en voie de disparition. Jeux de hasard addictifs, alcool nocif, tabac prohibé jusque dans leur établissement, presse en chute libre. Sauver ces lieux populaires relève bien de l’intérêt général. Quitte à les transformer en dealers en chocolat, voire en banquier pour orphelins de la Poste ou interdits bancaires (« René, un demi et un RIB sans faux col »). Aux dernières nouvelles, les concepteurs de Sniffy feraient machine arrière pour éviter l’interdiction. La poudre ne serait plus à inhaler, mais à diluer dans un verre d’eau. Un peu comme le Ricard en somme. Alors, ça va.