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Sniffer n’est pas jouer


Sniffer n’est pas jouer

Pendant que ses collègues de travail cavalent sur les courts de Roland Garros, Richard Gasquet, 22 ans, petit prodige du tennis français, est au piquet. Dans la presse on le dit « caché quelque part en France » en attendant son jugement. Il risque deux ans de suspension ferme. Deux ans d’interdiction professionnelle. Rien que ça. Il est même tricard dans l’enceinte du stade. « Sa présence n’est pas souhaitable », a décrété la Fédération internationale de tennis. Mince, à croire que le gamin de Sérignan a choppé la grippe mexicaine, violé des enfants et braqué le sac une petite vieille.

Tout commence pour l’infortuné Gasquet au tournoi de Miami en mars dernier. Souvent blessé, le fragile jeune homme déclare forfait une fois de plus à la veille du début du tournoi. Quand ce n’est pas le coude, c’est l’épaule. Se croyant en vacances forcées, il fait ce que tout jeune de son âge ferait à sa place : direction Miami Beach, ses clubs, ses filles, ses DJ adulés.

Gasquet aurait mieux fait de rester à l’hôtel à jouer au scrabble avec son coach. Le lendemain, il subit un test antidopage. On trouve des « traces » infinitésimales de cocaïne. C’est le début de sa descente aux enfers. L’usage de coke, considérée comme une drogue festive, sans le moindre intérêt dopant pour un joueur de tennis, n’est pas sanctionné en dehors des périodes de compétition. La boulette de Gasquet est d’avoir cru qu’il était « hors compétition » après avoir déclaré forfait. Sa simple présence à Miami suffisait à le rendre éligible à un test antidoping… Bref, Gasquet a été pris par la patrouille après s’être emmêlé les pinceaux dans le règlement. Il s’agit donc d’une bêtise sans grand intérêt, et sans aucune volonté de « tricher » de la part du joueur. Gasquet mérite peut-être une punition (pour infraction à la législation sur les stupéfiants ? ndlr), pas une exécution publique. Pourtant, la sanction risque d’être la même pour ce pauvre môme que pour un sportif qui se chargerait aux hormones de croissance pour chevaux, ou qui prendrait de l’EPO chaque matin au petit-déjeuner.

Si le règlement, totalement absurde, est appliqué strictement, Gasquet pourrait être suspendu deux ans. Une sanction presque sûrement synonyme de fin de carrière car on ne revient pas à son niveau après une si longue absence des courts. Bref, le soldat Gasquet risque le peloton d’exécution pour une malheureuse ligne de coke. (Ses analyses capillaires ont prouvé qu’il n’était pas un utilisateur régulier).

Cette ridicule et banale histoire n’a pas de morale. Je ressens juste un sentiment de malaise devant l’indifférence de l’opinion à l’égard de cette injustice. Le politiquement correct et les opinions binaires qui ne laissent pas place à la moindre zone de gris gagnent du terrain dans tous les domaines possibles et imaginables. Dans cette affaire, les médias ont lâché Gasquet parce que « la drogue ce n’est pas bien ». Les humoristes qui adorent tirer sur les ambulances se sont déchaînés. Les responsables du tennis l’ont traité comme un criminel pour rassurer les sponsors, et préserver l’image de la poule aux œufs d’or. Ses « camarades » de Coupe Davis ne risquent pas de se mettre en grève pour exiger sa relaxe. On n’est pas chez Molex et ATP n’est pas la CGT. Même Yannick Noah, le king de l’impertinence et du politiquement incorrect, supposé proche de Richard Gasquet, n’a pas levé le petit doigt. Alors, ça m’a fait du bien d’entendre Nelson Montfort remettre à sa place Henri Leconte qui en remettait une couche.

En attendant, le French Open ne sera pas troublé par la moindre évocation du « délinquant ». La « grande famille du tennis » fait singulièrement penser à un congrès du PS.



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Romancier, journaliste, conseiller politique, createur de l'Université du Futur

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