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Six femmes en colère

Une chronique médias de Didier Desrimais


Six femmes en colère
La chanteuse Yseult à la Fashion week, Paris, 25 septembre 2024 © JM HAEDRICH/SIPA

Les journalistes Paloma Moritz et Salomé Saqué s’inquiètent du retour des heures les plus sombres de l’histoire. Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer prennent la défense de l’experte en racisme Maboula Soumahoro. La chanteuse Yseult (notre photo) chouine à la télé et sur les réseaux sociaux : le public ne l’apprécie pas assez, parce qu’il est grossophobe et un peu raciste. Enfin, les ventes du dernier livre de Sandrine Rousseau ne décollent pas.


Paloma Moritz est journaliste et responsable du pôle écologie du média d’extrême gauche Blast. Elle adore Libération, les rapports du GIEC, Greta Thunberg, les éoliennes, Camille Étienne, les trottinettes électriques, Salomé Saqué, L’Humanité, Cécile Duflot et la quiche lorraine sans lardons. Elle déteste les « climatosceptiques », les voitures, les avions, les journalistes de CNews en particulier et les médias « bollorisés » en général, Éric Zemmour, les propos « climaticides » de ce dernier, les électeurs du RN et la tartiflette avec des lardons. Concernant les médias, Mme Moritz n’est pas contente du tout et le fait savoir sur le site de StreetPress. Elle a remarqué que CNews avait de plus en plus d’audience, ce qu’elle trouve dommageable. Mais elle note surtout, écœurée, que l’audiovisuel public, vraisemblablement influencé par les critiques sur son absence de pluralisme, invite maintenant régulièrement dans l’émission “C ce soir” un journaliste du… Figaro – autant dire un crypto-fasciste. France Inter, ajoute-t-elle sans rire, penche également de plus en plus du côté conservateur, tout ça à cause d’une « petite musique qui monte, un racisme de plus en plus important et des positions anti-écologiques assumées ». Nicolas Demorand, Léa Salamé, Patrick Cohen, Claude Askolovitch, Sonia Devillers, Ali Baddou, Marion L’Hour, Pierre Haski et Carine Bécard seront sûrement surpris d’apprendre que leur radio est devenue le relais d’idées rétrogrades, voire nauséabondes. Quant à l’économiste Dominique Seux, il aurait pu éventuellement ressembler au portrait du méchant libéral tel que le conçoit la journaliste de Blast – mais, respectant en cela les recommandations doctrinaires de la direction de la radio publique, le directeur de la rédaction des Échos ne rate jamais une occasion de se verdir l’âme en colportant le discours des écolos et du GIEC sur le « dérèglement climatique ». Il est évident que Mme Moritz n’a pas le temps d’écouter les télévisions et les radios publiques – elle saurait sinon qu’il n’y pas de médias plus progressistes, wokes, écolos et de gauche, que ces machines propagandistes fonctionnant à plein régime avec l’argent des contribuables. 

Etouffez-vous !

La journaliste et militante éco-féministe Salomé Saqué est également très mécontente : « On ne qualifie plus d’extrême droite ce qui devrait l’être. De plus en plus de médias hésitent à utiliser ce terme pour désigner des partis comme le Rassemblement national, ce qui envoie un signal clair : ses idées deviennent acceptables », déclare-t-elle dans un entretien donné au magazine bobo Télérama à l’occasion de la sortie de son très court et très dispensable essai, Résister1. Ah ! si tous les médias pouvaient avoir la ligne de conduite irréprochable de France Inter, France Info, France 2, France 5, Arte, Libération, Le Monde et, bien sûr, Télérama… Ces derniers n’échappent cependant pas totalement aux admonestations de l’écolo : « Le champ médiatique tout entier s’est décalé à l’extrême droite, car les médias moins partisans suivent, en prolongeant les débats imposés par les chaînes et les journaux du groupe Bolloré. » Salomé Saqué a donc décidé de résister et appelle ses compatriotes à faire de même. Pour montrer l’exemple, elle n’a pas hésité à quitter le réseau social X qu’elle juge désormais « structuré par et pour l’extrême droite ». L’opuscule de Mme Saqué est émaillé de formules antifascistes éculées – un florilège de banalités rabâchées. Le style de l’ensemble du prospectus s’en ressent, inévitablement, et oscille entre le gnangnan court : « On ne demande pas la permission d’imaginer un monde sans extrême droite, on le construit », et le gnangnan long : « Parce que les heures les plus sombres de notre histoire devraient nous avoir appris qu’on ne peut pas faire l’économie des valeurs de tolérance et de respect qui constituent le socle de notre démocratie. » Une fastidieuse citation d’Edgar Morin sur la « nouvelle résistance » censée contrecarrer « l’extrême droite en France et en Europe » parachève cette superfluité.

Les sociologues Solène Brun et Claire Cosquer ne décolèrent pas. Après avoir écrit un laborieux et superfétatoire ouvrage sur La domination blanche2, elles signent dans Le Nouvel Obs une tribune pour défendre l’autoproclamée « experte en racisme » Maboula Soumahoro dont la présence à une table ronde au Parlement européen sur « l’égalité et l’inclusion au travail » a été contestée par des eurodéputés. Mmes Brun et Cosquer affirment que « le dialogue entre les sciences sociales et la société doit précisément se dérouler dans des lieux tels que le Parlement européen ». Le dialogue ? Quel dialogue ? Le dialogue tel que l’entend Mme Soumahoro qui déclarait en 2019, dans l’émission « Ce soir ou jamais”, qu’un « homme blanc » ne peut ni « incarner l’antiracisme » ni « avoir raison contre une femme noire ou une Arabe » ? Ou celui que conçoit la même Mme Soumahoro lorsqu’elle justifie, sur le plateau de LCI, les ateliers « non-mixtes » (sans « non racisés » ; en clair, sans Blancs) programmés lors d’un « camp d’été décolonial » ou pendant un stage organisé par le syndicat d’enseignants SUD 93 ? Émules de Robin DiAngelo, la conceptrice de la notion débile de « fragilité blanche », Mmes Brun et Cosquer disent posséder des données « scientifiques » prouvant tout à la fois la « suprématie blanche » et l’absence du « racisme anti-Blancs » – ces dames, tout comme leur protégée racialo-décolonialiste, prennent leurs désirs pour des réalités et confondent travail universitaire et militantisme académique monomaniaque. Le résultat intellectuel de ces deux universitaires est indigent et l’écriture inclusive utilisée dans leur dernier ouvrage (2) reflète la médiocrité d’un raisonnement spasmodique et dichotomique. Le monde n’y est appréhendé que sur le mode dominants/dominés et sur des rapports sociaux « racialisés » où les Blancs sont invariablement des privilégiés, et les « racisés » des victimes – cette caricature idéologique de la société sert de prétexte aux gémissements dénonciateurs d’universitaires paresseux et ineptes et aux récriminations pleurnichardes d’artistes sans talent. 

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À ce propos, la chanteuse Yseult – « femme noire, femme grosse, oubliée de la société et de la culture », larmoyait-elle lors de la remise de son prix aux Victoires de la musique en 2021 – n’est pas contente, elle non plus. Malgré l’énorme soutien publicitaire de France Inter, son dernier album est boudé par le public français. « Je n’arrive pas à croire que les gens dorment sur un projet comme MENTAL, c’est très grave », barbouille-t-elle sur son compte X. « Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de projet similaire en France ? Je suis sérieuse car la manière dont comment vous ronflez sur ce projet, c’est chaud. » [C’est ici le moment de rappeler qu’Yseult a été choisie par Emmanuel Macron – qui hésitait sûrement avec une autre chanteuse possiblement francophone, Aya Nakamura – pour être la marraine du sommet de la… francophonie en 2024.] Deux jours plus tard, constatant que ses messages ont irrité de nombreux internautes, Yseult entre dans une colère noire : « MENTAL est l’un des meilleurs projets sortis en France cette année. Ceux et celles qui ne sont pas d’accord, étouffez-vous. »

Immanquablement, dès qu’une daube musicale, cinématographique ou littéraire pointe le bout de son nez, l’audiovisuel public en fait la promotion. Après France Inter, c’est France 5 qui a donc reçu Yseult sur le plateau de “C à vous”. Anne-Élisabeth Lemoine, plus nunuche que jamais, s’extasie –  « Vous m’avez beaucoup fait rire avec ce “étouffez-vous” » – et Yseult, aussi vulgaire que d’habitude, en rajoute en se léchant le majeur: « Mais oui, masturbez-vous ! Masturbez-vous ! En plus ça fait du bien, genre un peu de lubrifiant, un peu de dildo… » Notons au passage que la chanteuse onaniste s’est exilée en Belgique en 2021, non pas pour de basses raisons fiscales, qu’allez-vous penser là, mais parce que, expliquait-elle au Guardian à l’époque, « ses habitants accueillent la diversité et assument leur passé colonial, ce qui est encore tabou en France ».

Offensée professionnelle

Victime forever, offensée professionnelle, la plantureuse vocaliste a une préférence pour les lamentos énervés, les longues plaintes accusatrices qu’elle chouine à longueur de temps, sur scène ou sur les plateaux de télé, à l’instar de ses copines Assa Traoré ou Aïssa Maïga. Yseult, qui ne cesse de pousser la chansonnette woke, serait la cible des milieux réactionnaires et la victime d’un racisme systémique en France. « J’ai l’impression que nous, les personnes faisant partie des minorités, des personnes racisées, etc., on doit quelque chose à la France… Mais qu’est-ce qu’on doit, en fait ? J’te jure, ça me casse les couilles de devoir en permanence m’excuser, d’être redevable, d’être dans l’empathie face à des personnes non racisées alors que ça devrait être le contraire », geignait-elle sur le plateau de “Clique”, l’émission de Mouloud Achour sur Canal +, avant de conclure avec la classe qu’on lui connaît : « Qu’on arrête de nous chier dessus ! » Bien entendu, le milieu culturel se passionne pour cette plaintive créature – Thomas Jolly n’a pas manqué de faire appel à elle pour la cérémonie de clôture des JO de Paris. Entre deux brames électro-pop, Yseult aime à se plaindre en baragouinant des jérémiades wokes. Mais tout sonne faux. L’insincérité domine ses boniments dolents, rodés et répétitifs, instruments d’une formidable opération de marketing. La narcissique Yseult aimerait devenir une icône. Si l’art musical ne lui permet pas d’obtenir ce statut, elle espère y parvenir en s’imposant comme LA victime absolue d’un monde dans lequel elle n’a pourtant jamais connu la précarité ou l’injustice : « Matériellement, je n’ai pas à me plaindre, mon père gagnait beaucoup d’argent. On changeait de voiture tous les deux jours, on me conduisait à la maternelle en Mercedes. Ma mère s’achetait des sacs griffés » (entretien donné à Femina) – scolarité dans le privé, nombreux voyages à l’étranger avec ses parents, bénédiction des professionnels musicaux à l’âge de 24 ans aux Victoires de la musique, génuflexion des marques de haute couture ou de cosmétiques (Balenciaga, Alexander McQueen, L’Oréal) pour lesquelles elle défile, etc. Il aura suffi de quelques braiements « inclusifs » et d’un tube, Alibi, une fumisterie bêlée avec la chanteuse Sevdaliza et la drag queen Pabllo Vittar, pour que les agents conformistes des médias et de la « culture » se prosternent devant ce nombril géant. 

Last but not least, Sandrine Rousseau. Chacune de ses déclarations exhale un parfum de colère hargneuse et accusatrice. Mme Rousseau a trois missions : 1) Déconstruire l’homme, ce prédateur sexuel dont le barbecue est l’emblème. 2) Sauver la Planète. 3) Dire le plus d’inepties possibles dans les médias – ce à quoi elle est encore parvenue dernièrement en réussissant le tour de force de relativiser, au lieu de la condamner sans restriction, l’arrestation en Algérie d’un écrivain qui est depuis peu, officiellement et pour notre plus grand plaisir, un de nos compatriotes : « Rappelons quand même que ce n’est pas un ange dans ses positions », a-t-elle osé dire sur Sud Radio après avoir affirmé que « les propos et les positions tenus [par Boualem Sansal] sont des propos relevant de l’extrême droite, relevant d’une forme de suprémacisme ». Mme Rousseau n’est pas verte de rage contre le gouvernement algérien qui emprisonne un homme dont le seul tort est d’écrire des livres et des articles évoquant le triste sort des contrées où sévit l’islamisme, mais elle entre en ébullition dès qu’il est question de… l’extrême droite, qu’elle devine partout. Son aveuglement face à la montée islamiste, son acharnement écolo-woke, ses réflexions médiocres et ses déclarations absurdes ont cependant, semble-t-il, eu raison de la patience des Français, même les mieux disposés à son endroit. La preuve, son dernier livre3 encombre les rayons des librairies. Sorti en septembre 2024, il ne s’en est vendu qu’un petit millier d’exemplaires, tandis que celui de Philippe de Villiers4, sorti un mois plus tard, va bientôt dépasser la barre des 150 000 ventes. Sur le site d’Amazon, l’ouvrage du créateur du Puy du Fou a été noté et commenté élogieusement par plus de 500 lecteurs ; celui de Dame Rousseau n’a reçu que 4 commentaires, tous assassins. En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir de rapporter celui-ci, pour sa simple et cruelle franchise : « On me l’a offert. Jamais lu autant de pitreries que dans ce livre. Je ne sais pas quoi en faire. Le revendre mais je sais qu’il y a très peu d’amateurs. Il ne me reste plus qu’à le jeter. »

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  1. Salomé Saqué, Résister, 2024, Éditions Payot. ↩︎
  2. Solène Brun et Claire Cosquer, La domination blanche, 2024, Éditions Textuel. ↩︎
  3. Sandrine Rousseau, Ce qui nous porte, 2023, Éditions du Seuil. ↩︎
  4. Philippe de Villiers, Mémoricide, 2023, Éditions Fayard. ↩︎



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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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