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Sir Keir Starmer: futur Premier ministre britannique?

Cap sur Downing Street !


Sir Keir Starmer: futur Premier ministre britannique?
Sir Keir Starmer à la Conférence annuelle du Parti travailliste, à Liverpool, le 10 octobre 2023 © Michael Bowles /Shutterstock/SIPA

Après une convention annuelle réussie à Liverpool, la semaine dernière, le leader du Parti travailliste britannique, Keir Starmer, se rêve en futur Premier ministre de la Grande-Bretagne. Portrait.


Keir Starmer est la figure politique montante de la Grande-Bretagne. Cet avocat pénaliste, élu député en 2015 puis président du Labour en 2020, après la défaite historique de son parti aux élections législatives de décembre 2019, est en position de force face au Parti conservateur (Tories), usé par ses treize années au pouvoir. L’allocution finale du leader travailliste à Liverpool, devant un amphithéâtre comble fut une partie de plaisir, malgré l’irruption impromptue d’un militant à la tribune, qui a arrosé le chef du Labour de paillettes au début de son discours. Le message de Starmer était clair : le parti travailliste gagnera sûrement les prochaines élections et doit se préparer à gouverner. Mais il a averti ses militants : la tâche à relever sera rude ! « Vous pensez que notre travail en 1997 a consisté à reconstruire un service public en ruines ? Qu’en 1964, il a consisté à moderniser notre économie dépassée ? Et en 1945, à reconstruire une nouvelle Grande-Bretagne pour la sortir du traumatisme du sacrifice collectif ? Eh bien, en 2024, ce devra être les trois à la fois !» Pas de pitié, donc, pour le bilan des conservateurs.

Sunak : le Macron britannique ?

Sir Keir Starmer a vu juste dans son discours, en accusant ses opposants de ne rien comprendre aux problèmes du peuple : « Rishi Sunak et les hommes et femmes superficiels de Westminster sont incapables de voir, incapables d’écouter, incapables de se mettre à votre place et de servir ce pays. Et ils ne changeront pas. Ils n’ont pas même changé durant la pandémie lorsque notre pays s’est rassemblé pour suivre les règles : celles qu’ils ont eux-mêmes fixées et brisées. » L’image des conservateurs est effectivement bien ternie depuis les révélations de fêtes et de réceptions organisées au 10 Downing Street durant le confinement de 2020, lorsque Boris Johnson était Premier ministre. En plus de cela, Keir Starmer souligne bien la réputation hautaine et dépensière de ses opposants, dès le début de son discours : « Le champion auto-proclamé des automobilistes, qui a dû emprunter la voiture d’un employé de magasin pour sa séance de photo. Un homme qui porte un regard attentif à la crise de l’inflation – depuis son hélicoptère de proximité. » Les rires éclatent alors dans l’assistance, où plusieurs se souviennent des critiques émises par les travaillistes à l’encontre du Premier ministre Rishi Sunak et de son chancelier Jeremy Hunt, à cause de leur usage de jets ou d’hélicoptères pour leurs déplacements en Grande-Bretagne. D’ailleurs, le Premier ministre s’est rendu à Manchester en avion au début du mois, pour la conférence annuelle des Tories, alors que le même jour il annonçait l’annulation du projet HS2 (High speed 2), qui devait relier Birmingham à Manchester par un train à grande vitesse… Milliardaire, Rishi Sunak peine encore à démontrer sa proximité avec les Britanniques « ordinaires » et Starmer, en bon travailliste en profite pour le décrédibiliser : rien de plus facile.

Objectif croissance

Keir Starmer veut y croire : son parti est prêt à remplacer les Tories d’ici la prochaine élection, prévue au plus tard en janvier 2025 – et qui pourrait avoir lieu à la fin de l’année prochaine. Au-delà de son discours offensif à l’égard des conservateurs, il a souhaité s’imposer comme le candidat du vrai changement : « Il est temps de construire un million et demi de nouvelles maisons à travers le pays. De créer des opportunités pour tous les primo-accédants dans chaque localité. De développer de nouvelles corporations avec le pouvoir d’éliminer les blocages. D’avoir de nouvelles infrastructures pour permettre aux familles et aux communautés de s’agrandir. D’avoir des routes, des tunnels et des centrales électriques – construits plus rapidement et pour moins cher. »

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Bref, Starmer souhaite montrer aux Britanniques que contrairement aux conservateurs, il possède la vision et l’ambition pour donner un nouveau dynamisme à son pays. Il souhaite ramener la croissance économique par la relance, en appliquant la bonne vieille doctrine keynésienne – dont les conservateurs sont souvent tout aussi adeptes. Mais attention, ce n’est pas le keynésianisme des Tories, fait de « réponses faciles » ou de « réductions d’impôts pour les riches », mais une économie qui profite à tous, en particulier aux « travailleurs ».

Émouvoir

Par ses références récurrentes à sa famille, d’origine effectivement modeste, Starmer a souhaité regagner les classes populaires, après la razzia de Boris Johnson en 2019 : « J’essaie de mon mieux de ne pas mentionner la maison où j’ai grandi. Mais sérieusement : cette maison en crépi représentait tout pour ma famille. Elle nous a donné de la stabilité pendant la crise de l’inflation des années 1970. Ella a servi de tremplin pour le voyage que j’ai entrepris durant ma vie. Et je crois que chaque famille mérite la même chose. » Starmer a grandi dans le comté de Surrey, au sud de la capitale. Sa mère était infirmière et son père ouvrier d’usine. Mais, au-delà de ces considérations familiales, le leader travailliste doit encore expliquer comment il compte financer son million et demi de maisons, alors que la dette britannique s’élève à plus de 2 600 milliards d’euros et que le taux directeur de la banque d’Angleterre s’établit à 5,25%. La chancelière du cabinet fantôme, Rachel Reeves, ex-économiste de la Banque d’Angleterre, l’a bien rappelé dans son discours, l’heure n’est pas à la dépense : « Je ne sous-estime pas l’ampleur de la tâche qui nous attend, ni les problèmes dont nous hériterions au gouvernement. Ils exigeront un travail dur, de la détermination et des décisions courageuses. » Le programme économique du Labour, encore très sommaire, mérite donc des précisions…

Gagner chaque vote et de la crédibilité…

Le Labour doit désormais faire face à un défi : démontrer sa crédibilité. Pour cela, il faut aussi des membres compétents pour le futur gouvernement. Et hormis la probable future chancelière de l’échiquier, Rachel Reeves, la compétence des membres du gouvernement fantôme de Starmer laisse songeur. Diane Abbott, Ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme, un poste clé, est connue pour ses propos anti-blancs répétés depuis les années 1990 et ses positions ambigües sur l’antisémitisme au mois d’avril, cette année. Ils lui ont d’ailleurs valu une suspension de son poste pendant quelques jours, à la suite d’une interview sur Sky News, avant qu’elle ne se rétracte. Le combat du leader travailliste depuis son arrivée en poste est précisément de mettre fin à une phase sombre de l’histoire du parti, où les figures antisémites ne manquaient pas, à commencer par l’ancien maire travailliste de Londres, Ken Livingston.

Pourtant, le dernier sondage de l’institut YouGov, en date du 12 octobre, donne le Labour largement en tête des intentions de vote, avec 45%, contre 29% pour le parti conservateur. Les travaillistes ont donc de fortes chances de remporter une majorité absolue aux Communes (environ 343 sièges sur 650). Mais de tels sondages révèlent surtout d’un rejet du parti au pouvoir et le Labour doit désormais susciter un vote d’adhésion. « Get Britain’s future back » est l’actuel slogan de campagne de Starmer. D’accord, mais on attend son programme.




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Journaliste franco-britannique

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