Oublions un instant Siné et ses diatribes anti-parlementaires, qui lui ont valu d’être qualifié par Desproges de « seul gauchiste d’extrême-droite ». Il est symptomatique qu’un des penseurs phare à gauche soit aujourd’hui Alain Badiou, pour qui la démocratie n’est qu’un jeu de dupe (« Pourquoi devrait-on respecter le suffrage universel ? »). La démocratie : des sociaux-traîtres qui suivent l’homme aux rats. Qui vont à la soupe. Ceux qui se dulcifient les tympans avec de tels discours, savent-ils seulement d’où ces théories proviennent ?
Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que cette gauche adopte des procédés qui l’éloignent définitivement de la raison : au dialogue, dans un débat pipé, on préfèrera toujours l’invective. Au raisonnement, l’accusation. A la négociation, la dénonciation du complot. Siné était invité à s’expliquer, à s’excuser : il a choisi de couvrir d’injures ses anciens collègues de Charlie Hebdo. Ses supporters, pour leur part, ont choisi de dégoiser sur les forums, en une avalanche de commentaires nauséabonds. Sans oublier les complots : selon Siné, il aurait été licencié parce qu’il osait contredire la thèse officielle dans l’affaire Clearstream – et que la direction de Charlie Hebdo, pour des raisons inavouables, défendait cette thèse. A moins, murmure-t-on chez les partisans du dessinateur, que Philippe Val, dont l’hebdo ne cesse pourtant de malmener le Président, ne se soit rendu coupable d’un renvoi d’ascenseur : Siné ayant attaqué Jean Sarkozy, Val ne l’aurait-il pas viré afin de remercier son père de son soutien dans l’affaire des caricatures ? L’internationale opaque du fric, les magouilles politico-médiatiques, la figure interlope de Sarkozy au centre de tout cela : qu’on y songe… Dans quelle presse, dans quels cercles lisait-on cela depuis 1944 ?
Ah ! J’oubliais : Siné et ses adeptes rotent à table et pissent dans les bénitiers ; ils sont donc dispensés de toute réflexion sur le chemin qu’ils empruntent.
J’ignore si, comme on l’a un peu pompeusement écrit, Philippe Val en limogeant son chroniqueur s’est montré digne de Zola ; il se sera en tous cas débarrassé d’un descendant de Marat. Si la gauche de la raison, celle qui croit que le combat s’appelle débat, et que, non, décidément, tout n’est pas permis en politique, si cette gauche veut sortir triomphante de la fitna qui l’oppose à sa sœur haineuse, alors d’autres décisions de ce genre seront nécessaires. Oh ! Qu’on se rassure : il ne s’agit pas de bâillonner. Ni Siné, ni Dieudonné, ni personne. Il est des voix que l’on ne fera pas taire – non à Saint-Just, oui à Voltaire ! – mais il faudra qu’elles comprennent qu’elles ne sont plus les bienvenues. Qu’elles se regroupent donc, qu’elles aient leurs partis et leurs journaux ! Leur humoriste et leur dessinateur attitrés les attendent déjà… Cette gauche-là, bien identifiée, soudée par ses détestations communes, sera parfaitement libre de « semer sa zone ». Et nous, enfin, de la combattre pied à pied.
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