La romancière Simonetta Greggio signe un livre d’un genre nouveau : la biographie épistolaire. Ou comment entrer dans la vie intime de Brigitte Bardot à travers les lettres d’une admiratrice.
L’icône du cinéma français prend la parole, ou presque. Dans Mes nuits sans Bardot, la romancière d’origine italienne Simonetta Greggio met en scène BB au soir de sa vie. Cette dernière s’apprête à fêter son anniversaire. Le 28 septembre prochain elle aura 90 ans. Depuis la Madrague où elle réside avec ses chiens, elle se repasse le film de sa vie. Non loin de là, une femme a loué une maison dans l’espoir de faire toute la lumière sur la star dont certains affirment qu’elle serait décédée. N’osant aller sonner à sa porte, elle décide de lui écrire. De longues lettres qu’elle dépose sous un caillou devant la célèbre maison. La comédienne les lit-elle ? On l’ignore, mais cela ne décourage pas la narratrice qui continue de lui adresser des missives revisitant les moments clés de son histoire. Entre les deux femmes, aucun lien apparent, si ce n’est l’admiration que la seconde porte à la première. Pourtant, l’alternance des lettres et des souvenirs évoqués par Brigitte Bardot finit par les rassembler en un troublant jeu de miroirs. Ce qui intéresse l’épistolière est moins la star que la femme. Celle en laquelle elle se reconnaît et qui, comme elle, a connu de nombreux déboires amoureux. « Comme vous l’avez fait à votre âge guerrier, j’ai chevauché les étés, embrassé à bouche qui veux-tu, aimé après avoir été trahie, trahi après avoir aimé. »
Aussi rêverait-elle que son idole lui confie les zones d’ombres de sa vie. Cette envie qu’elle a pu avoir, elle aussi, « de crever pour cesser d’en crever de ces histoires mal foutues, de ces amours déglinguées ». Finalement, l’actrice comme la narratrice se retrouvent seules, avec leurs chiens pour toute compagnie. L’originalité de ce récit à deux voix consiste à mettre en lumière une BB méconnue. « BB petite fille, comme une copine d’école, cheveux en queue de cheval, chaussettes tirées sur les genoux écorchés. BB jeune femme, un autre moi, flamboyant. BB vieille dame, qui éclaire mon chemin en regardant derrière elle désormais. » Bardot a 17 ans lorsqu’elle est « vendue comme de la viande fraîche au cinéma » et part seule se faire avorter en Suisse. Puis les amants se succèdent. Nombreux. Roger Vadim, bien sûr, qui lui signifie que sans lui elle n’est rien, Jacques Charrier qu’elle épouse et aussi Samy Frey et les autres… Bardot aime les hommes et se conduit avec eux comme ils le font avec les femmes : elle n’hésite pas à les tromper. « BB aime faire l’amour. Elle l’assume, elle le proclame : faire l’amour est aussi naturel que danser, nager, manger. » Mais l’auteur dessine aussi le portrait d’une femme « rebelle, désobéissante, redoutable, épouvantable, insupportable ». Une femme qui à 29 ans déjà commençait à s’intéresser à la cause animale, dont elle fera plus tard son cheval de bataille. Avec Mes nuits sans Bardot, Simonetta Greggio fait le choix du roman plutôt que de la biographie. En résulte un livre à l’image de son modèle : libre et envoûtant.
Simonetta Greggio, Mes nuits sans Bardot, Albin Michel, 2024.
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