Accueil Politique S’il y avait un mercato politique, Marion Maréchal serait hors de prix

S’il y avait un mercato politique, Marion Maréchal serait hors de prix

Marion Maréchal n'est plus une révélation


S’il y avait un mercato politique, Marion Maréchal serait hors de prix
La tête de liste de Reconquête aime les fraises, comme Sonia Devillers. Monteux (84), le 27 avril 2024 © Alain ROBERT/SIPA

La tête de liste de Reconquête !, en charme plus d’un… dont notre contributeur, Philippe Bilger.


Ce billet ne va pas me donner l’image d’un intellectuel de la politique. Que je n’ai jamais été, d’ailleurs. À ma grande honte, j’ai toujours été plus passionné par la forme des échanges, la qualité des expressions et des affrontements, la vigueur et l’intelligence des argumentations que par le fond souvent confus des débats d’où ressortait en définitive le fait que, malgré les apparences parfois violemment polémiques, les idées développées n’étaient pas si éloignées les unes des autres, sorties de leur vernis obligatoirement contestataire. C’est d’abord à cause de cette relative similitude des programmes européens, à l’exception de LFI et des Ecologistes campés dans un extrémisme irresponsable ou mou que j’ai tendance à m’attacher, avec une infinie curiosité et, je le crois, une réelle objectivité technique, à la nature des confrontations et à ce qu’elles révèlent des personnalités, des dons, des talents et des esprits.

Notre contributeur s’attache beaucoup à la forme

On pourrait y ajouter la plus ou moins grande incidence que chacun assigne à la vie politique nationale à partir de l’objet européen. Il est clair qu’il va être majoritairement négligé en raison de la frustration démocratique éprouvée par les Français depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Et ce d’autant plus que, même si la tête de liste de Renaissance était bonne, elle ne pourrait pas s’opposer à l’intense courant d’hostilité emportant le président et son Premier ministre dans un rejet commun.

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Il est facile d’imaginer alors comme je me délecte des émissions politiques réunissant les candidats importants – sur LCI d’abord puis, le 27 mai, sur BFMTV – d’autant plus que je n’ai jamais été de ceux viscéralement persuadés que les citoyens valaient mieux que leurs représentants. Parce qu’ils me permettent de me dissocier, de me cliver, de telle sorte que celui qui sait pour qui il va voter le 9 juin se sent, par ailleurs, totalement libre de goûter telle intervention, telle réplique – par exemple Raphaël Glucksmann, lassé, renvoyant dans ses cordes une Manon Aubry répétitive -, l’oralité déployée avec brio par une candidate au détriment des autres, le plaisir, sans la moindre mauvaise conscience, d’apprécier, en quelque sorte pour l’esthétique et la densité du verbe, une personnalité, sa verve, son alacrité, sa puissance de conviction. Même si elle est aux antipodes de mon choix à venir. Rien ne me procure plus de bonheur que ce dédoublement entre le citoyen et l’auditeur, l’observateur.

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J’aime ne pas me sentir ligoté par des partialités m’empêchant d’aller jusqu’au bout de mes impressions ou de mes déceptions. Je ne méconnais pas évidemment que ma subjectivité, mon tempérament ne peuvent pas se délester totalement de ma conception de la parole. Une parole n’a de sens, pour moi, que si elle dit quelque chose ! On peut n’être pas du tout médiocre dans l’exercice oral mais pourtant ne pas savoir ce que sont véritablement l’art et l’exigence de convaincre. On comprendra alors pourquoi, si je défends plus que jamais François-Xavier Bellamy dont l’intelligence, la tenue, la courtoisie mais avec une pugnacité toute récente, le verbe et la dialectique sont remarqués et remarquables, je m’accorde le droit de digresser. Pour ce dernier, je le fais avec d’autant plus de sincérité qu’il est peu ou prou abandonné en rase campagne par les chefs à plumes de LR alors qu’il y a des soutiens déterminants qui devraient lui être apportés, à rebours de manœuvres de coulisses destinées à préparer la candidature future de Laurent Wauquiez alors que tout est encore ouvert pour 2027.

Pas née de la dernière pluie

Marion Maréchal n’est plus une révélation. Sa mise entre parenthèses de toute vie politique (à partir de 2017) durant quelques années lui a fait énormément de bien. De retour chez Éric Zemmour, quelles que soient les divergences de fond ou tactiques entre elle et lui – il est clair qu’elle s’en prend plus à François-Xavier Bellamy qu’à Jordan Bardella -, elle manifeste, dans les récents débats, une densité, une autorité, une sûreté, le fil impressionnant d’un verbe maîtrisé aussi bien dans l’affirmation que dans la contradiction, une ironie… Elle fait preuve d’un ton et d’une qualité de langage qui enlèvent à ce que sa pensée pourrait avoir d’extrême et de provocant l’âpreté dont par exemple Éric Zemmour ne s’est jamais privé. Si nous disposions, pour la politique, d’un quotidien comme l’Équipe pour le sport, elle bénéficierait de beaucoup d’étoiles. Son transfert serait hors de prix ! Je ne suis pas de ceux enthousiastes par inconditionnalité ; je mesure seulement comme sur le plan technique, de la forme, son apparence ajoutant à son expression la place au-dessus du lot. Si je la juge bien supérieure dans ses prestations à Manon Aubry (elle récite), à Valérie Hayer (elle tremble) et à Marie Toussaint (elle ennuie), ce n’est pas que je suis misogyne : je crois au contraire qu’on a oublié combien certaines femmes pouvaient avoir de talent et combien d’autres pourraient en avoir.

Quand j’ai « soumis à la question » Marion Maréchal le 22 janvier 2021, elle m’avait déjà surpris : sa parole est bien meilleure que celle de sa tante, moins appliquée et moins contrainte que celle de Jordan Bardella. Face à elle, Emmanuel Macron aurait trouvé à qui parler. Il aurait été moins sûr de son fait, moins condescendant. Il ne sera plus là. Dommage, j’aurais bien aimé un peu de politique-fiction. Entre elle et lui.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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