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Signé André Juillard

Le trentième tome de Blake et Mortimer débarque en librairie la semaine prochaine !


Signé André Juillard
© Blake & Mortimer - Tome 30

La parution dans quelques jours du 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’annonce d’ores et déjà comme l’événement BD de l’année. Il est l’œuvre du scénariste Yves Sente et du dessinateur André Juillard, héritier de la ligne claire, qui nous a quittés l’été dernier. Son trait à l’élégance sentimentale a marqué le 9ème art en renouvelant l’esthétique féminine…


Il arrive jeudi ; dans quatre jours, il va déferler sur les librairies de France. Vous ne pourrez y échapper, Old Chap ! Les romans de la rentrée littéraire n’y survivront pas. Ils ne font pas le poids face à cette locomotive de l’édition. En obélisque ou en pyramide, Signé Olrik, le 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’érigera en numéro 1 des ventes jusqu’à Noël. Le monde du livre est tributaire de son plan de conquête commerciale. C’est lui, 62 pages seulement, qui draine les foules, et non l’autofiction faisandée de quelques auteurs en mal d’amour-propre. 

Réalisme non réducteur

Le public veut du style et des uniformes, se perdre dans les paysages brumeux des Cornouailles et sonder le mystère celte. Et puis, nous sommes curieux de connaître la destinée chaotique d’Olrik, notre méchant préféré à fine moustache, sachant fumer avec un porte-cigarette et piloter un Espadon. Cette sortie est aussi l’occasion d’évoquer le dessinateur et scénariste André Juillard (1948 – 2024), auvergnat né à Paris expatrié en Bretagne, disparu en plein cœur de l’été, dont l’œuvre charnelle court sur une cinquante d’années. Dans la revue Casemate (octobre 2024), Yves Sente a trouvé les mots justes pour se souvenir de son compagnon de travail : « André, c’était quelqu’un ». Tout est dit. Intimidant et fraternel. Un grand professionnel à la technique irréprochable et un artiste à l’érotisme chaste. Un auteur majeur de la bande-dessinée reconnaissable à sa puissance d’évocation et à son réalisme non réducteur. Ce chantre de la ligne claire qui ne veut pas dire transparence béate s’est servi justement de sa pureté pour ouvrir d’autres dimensions, d’autres trappes émotionnelles, d’autres infra-mondes intérieurs. Avec Juillard, on est d’abord séduit par la beauté des planches, leur harmonieuse composition, leur lumineux éclat et puis, l’imagination se met à cavaler, elle ne s’arrêtera plus. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Noé: Olrik: quand la fiction retrouve le XXe siècle

On pourrait croire qu’une telle maîtrise est un frein à la fiction, que le cadrage et la précision anesthésient le regard, que les détails masquent les élans ; au contraire, le talent de Juillard est de faire naître l’émoi dans la rigueur, la folle passion dans un décor d’apparence académique mais recélant mille anfractuosités. Le Grand Prix 1996 de la ville d’Angoulême n’était pas un dilettante du crayon, il ne croyait pas au don inné. Le travail aura guidé sa main. Seules des heures et encore des heures passées à son atelier et ces gestes sans cesse répétés auront été la condition minimale pour construire une œuvre. « J’ai besoin de dessiner tous les jours » disait-il, même s’il trouvait très ennuyeux de dessiner des trains ou des scènes de repas.  Juillard, fortement marqué dans sa jeunesse par l’art grec puis égyptien, se fit connaître dans la BD historique avec notamment Les 7 vies de l’Épervier, puis la série Blake et Mortimer le propulsera au rang de valeurs sûres du métier. Il était l’égal de Moebius, Giraud ou Druillet. Un illustrateur reconnu dans la presse, un dessinateur au succès populaire et un artiste côté dans les galeries. Tous les ingrédients pour enflammer durablement les collectionneurs.  C’est à l’âge de vingt ans que ma génération l’a découvert avec Le Cahier bleu publié à partir de 1993 dans la revue A suivre. Il en était le scénariste et le dessinateur. Nous avons eu alors un choc esthétique et nous sommes tombés amoureux de ces héroïnes aux cheveux courts dont le regard pénétrant ne nous laissait pas indifférent. 

Carnets secrets…

Il aura renouvelé l’esthétique féminine en abordant un territoire peu foulé par ses homologues masculins, une forme de désir contenu, de sensualité abrasive et cependant intimidante, peut-être, fut-il dans son expression picturale, celui qui s’approcha le plus près de l’impossible définition du charme. Juillard le prouva, par la suite, dans ses Carnets secrets 2004 – 2020 publiés chez Daniel Maghen qui sont sa pièce maîtresse.

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Carnets Secrets (2004-2020)

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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