Le mois dernier, au Brésil, trois femmes se sont dit « oui ». Ces jeunes trentenaires bien sous tout rapport, qui formaient un ménage à trois depuis trois ans, se sont ainsi « mariées » en toute légalité, devant un notaire de Rio de Janeiro. Mais cette histoire aussi effrayante que grotesque est passée relativement inaperçue, et pour cause : ce n’est même pas une première. En 2012, une union civile « polyaffective » (?) d’un homme et deux femmes avait déjà été célébrée dans la ville de Tupa, nous rappelle Le Monde.
« Nous sommes une famille. Notre union est le fruit de l’amour. Je vais tomber enceinte et nous nous préparons à cet événement », affirme tranquilou dans une interview au quotidien O Globo l’une des trois « épouses », une femme d’affaires de 32 ans qui désire en prime avoir un enfant. Sauf que ça, comme on a oublié de le préciser au moment des débats sur le « mariage homo » – autorisé entre temps là-bas comme ici – c’est encore et toujours impossible sans homme.
Et alors ? « Nous voulons avoir les mêmes droits que tout le monde », poursuit la future maman n°1 (sur trois) que personne n’a pourtant privée d’aucun droit. Considérant sans doute que c’est l’enfant lui-même qui serait soudain devenu un « droit », le trouple a donc décidé de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA). Et l’enfant fabriqué pour ces dames par insémination artificielle portera – outre le fardeau d’une absence de père – leurs trois noms de famille…
Résultat prévu : trois femmes et un couffin. Soit la confirmation par le Brésil d’une reconnaissance tacite de la polygamie et de la triple filiation… Du moins tant que les conservateurs locaux ne parviennent pas imposer leurs idées plus raisonnables sur la famille, dans la bataille qui fait rage actuellement au Sénat. Pour l’heure, un vide juridique empêche que ces unions rappelant les heures les plus folles de l’Antiquité ne soient annulées.
Pendant ce temps, en France, notre ministre de la Santé, Marisol Touraine, est un peu à la traîne. Dans un entretien au journal de Pierre Bergé elle se déclare « favorable à l’ouverture de la PMA » sans raison médicale, mais seulement pour « les couples de femmes ». Et les trouples, alors ? Décidément, malgré tous les efforts de sa collègue Christiane Taubira depuis 2012, notre pays ne parviendra jamais à rattraper son terrible retard en matière de « droit à l’enfant »…
En attendant la PMA pour toutes – « On y viendra, j’en suis convaincue », prédit tout de même Marisol Touraine – des usines à bébés ouvrent un peu partout pour répondre à la hausse de la demande. Au Nigéria, dont le gouvernement ne parvient pas à freiner cette dérive invraisemblable, on propose ainsi des enfants mâles (2500 dollars) ou femelles (2000 dollars) selon les exigences du client. Et les agents chargés de ce juteux petit commerce peuvent aller jusqu’à promettre une livraison sous 24h.
En Thaïlande, où cette industrie est également florissante depuis la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) en 2010, le pouvoir militaire tente aujourd’hui de légiférer pour stopper le « tourisme procréatif » qui en découle. Et comme une GPA nécessite en général une fécondation in vitro et une insémination artificielle, la nouvelle loi présente désormais ces techniques de PMA comme un « remède » à l’infertilité d’un couple hétérosexuel.
Autrement dit, pour en finir avec le « marché de l’enfant », le pays a choisi d’adopter… la loi française. Celle-ci dispose en effet, jusqu’à présent, que l’aide médicale à la procréation « a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ». Et non de fournir un ovule fécondé à une « mère porteuse » payée pour abandonner un enfant à sa naissance. Pas plus que de permettre à deux ou trois femmes, même « mariées », de s’offrir un bébé en le privant volontairement de père dès sa conception.
Et si la vérité sortait de la bouche de ceux qui défendent encore, ici ou à l’autre bout du monde, les droits des enfants ?
*Photo : Wikimedia Commons.
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