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Sexe, vérité et vidéo


Sexe, vérité et vidéo

letterman

C’est l’histoire d’un animateur-vedette de la télé obligé de confesser en direct live devant des millions de téléspectateurs qu’il a couché avec des femmes de son équipe. Tout ça alors que le public présent dans la salle est plié en quatre à cause de ce qu’il croit être un pastiche de mea culpa d’un sénateur évangéliste englué dans un scandale politico-sexuel avec une girl-scout, alors que non. C’est la stricte vérité et le roi du rire prend à témoin son audience pour expliquer pourquoi il a dû, le matin-même, aller raconter exactement la même bonne histoire chez un juge puisqu’il était menacé par un maître chanteur.

Séance un peu trash de Vivement dimanche prochain de Michel Drucker ? Confession ultime de Michel Denisot ou de PPDA à l’heure du mercato des animateurs ? Non, qu’on se rassure, nous sommes aux Etats-Unis, le présentateur est l’horriblement drôle David Letterman. C’est l’homme le mieux payé de la télévision US et il l’a bien mérité : c’est non seulement un gagman de très haute volée mais aussi un intervieweur hors pair, allez donc voir sur Youtube ses entretiens avec Barack ou Madonna. C’est donc cet homme qui a été obligé de confesser qu’il a couché avec des employées de son show pour court-circuiter son maitre-chanteur (un de ses collègues de CBS) qui lui réclamait deux millions de dollars.

Affaire close en apparence, mais l’éventualité d’un procès en harcèlement de la collaboratrice, voire des collaboratrices qui ont passé du bon temps avec lui n’est en rien écartée. Certes le règlement intérieur de CBS n’interdit pas –contrairement à d’autres chaînes – les galipettes corporate. Mais rien ne nous dit que la «victime» n’ira au pénal pour venger sa vertu et renflouer son PEA malmené par la faillite de Lehmann.

On a vu des vidéos de la dame, des photos. Les sites internet US se sont lancés à ses trousses comme ils ont traqué la maîtresse de DSK, au moment de l’affaire avec la subalterne magyare qui a failli déboulonner le social-démocrate le mieux payé des Etats-Unis.

Reste alors une question : doit-on blâmer Letterman d’avoir fauté dans son diocèse, alors que, comme disait monsieur l’évêque, il vaut toujours mieux faire ça dans celui d’à côté ? Est-il moins drôle pour autant ? Est-ce un horrible salaud qui mérite qu’on lui retire son émission et qu’on l’envoie faire des conférences de repentance libidinale dans les écoles de journalisme au titre des travaux d’intérêt général. La réponse à cette épineuse question, nous la laisserons à Philippe Roth. En vrai, dans la jubilatoire interview qu’il a donnée à Nelly Kaprièlian des Inrocks, il ne parlait pas de David Letterman et de sa collègue, mais de la relation de Bill Clinton avec Monica Lewinsnki. Sauf que comme toujours chez Roth, le cas particulier dégénère illico en problématique universelle : « Je lui en veux de ne pas s’être méfié de ses ennemis, qui le guettaient. Mais il est vrai qu’il faut beaucoup de grandeur d’âme à un homme pour ne pas profiter de la possibilité d’une fellation… »

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Aimée Joubert est journaliste. Marc Cohen est membre de la rédaction de Causeur.

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